Au-delà des préjugés

Les chercheurs Jean-Yves Desgagnés (agent de recherche au CREMIS) et Christopher McAll (professeur à l’Université de Montréal) incitent les gens à découvrir ce qui se cache sous les préjugés concernant les gens assistés socialement. Au cours de leurs recherches, ils en ont rencontré plusieurs qui leur ont partagé leurs expériences personnelles. Ils s’en sont ensuite inspirés pour créer les mises en scène qu’ils présentent lors de leur tournée. Marie, militante à l’organisme communautaire Rose du Nord depuis trois ans, a avoué s’être reconnue dans le théâtre d’intervention utilisé pour les interpeller directement. Cette mère monoparentale subvient à ses besoins grâce à l’aide sociale. Comme elle l’explique, retourner sur le marché du travail après plusieurs années de retrait n’est pas évident : «Plus la durée est importante à l’assistance sociale, plus le retour au travail est difficile. Il faut être très disponible pour réussir à se faire engager, et en étant mère monoparentale, ce n’est pas toujours facile. De plus, les employeurs ont beaucoup de préjugés envers nous. Ils nous font moins confiance et croient que nous sommes des gens moins travaillants.» Souvent, les gens sont prêts à tout pour travailler, même à obtenir un emploi au noir. Mais ils développent au fil du temps de mauvaises habitudes de vie. Selon les résultats de la recherche, les gens les plus à risques de dépendre un jour de l’aide sociale sont ceux qui ont énormément travaillé. Dans un tel cas, ils font parfois un burn-out, suivi de problèmes de santé qui peuvent s’aggraver.

Le rôle du médecin
Pour Marie, le plus dur à tolérer est le fait d’être étiquetée automatiquement par les responsables de l’aide sociale. Les personnes assistées socialement sont divisées en deux catégories : apte ou inapte au travail. Cela détermine le montant octroyé chaque mois par le gouvernement. À ce jour, c’est aux médecins de déclarer si le citoyen est en mesure de se trouver un emploi, ou s’il souffre de problèmes de santé chroniques. Dans le dernier cas, le patient reçoit un chèque mensuel d’un montant supérieur au premier cas.

Monsieur Desgagnés soutient que le projet de recherche a été principalement inspiré par des médecins : «Plusieurs d’entre eux ne sont plus capables de jouer le rôle de ceux qui mettent les étiquettes. Ils remettent beaucoup en question le fait de déclarer un patient apte ou inapte, car ils se sentent coincés dans des contraintes trop sévères.» Quel devrait être le véritable rôle du médecin dans ces situations? Le débat est ouvert. Marie-Ève Duchesne, responsable du regroupement Rose du Nord, croit que la tournée est un premier pas dans la bonne direction : «La personne n’est plus citoyenne quand elle a besoin d’un papier du médecin pour déclarer le montant d’aide qu’elle recevra du gouvernement. Cette recherche et la tournée sont les points de départ de la lutte pour l’abolition des préjugés.» Les responsables de la tournée «Au-delà des étiquettes», qui a débuté en décembre dernier, continueront de sillonner les quatre coins du Québec dans les prochains moins dans le but de sensibiliser le plus grand nombre possible
de citoyens.

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