Branle-bas de combat autour d’un taureau et d’une mission perdue

Les déclarations du maire Labeaume n’ont eu de cesse de faire la une des médias de Québec, et du reste de la province, au cours de la semaine dernière. Que ce soit pour l’encenser ou le salir, des centaines d’articles «objectifs» et des dizaines de textes d’opinions, ainsi que des lettres ouvertes ont déferlé dans nos journaux papiers, télévisés, radiophoniques ou web. Un point de vue fait l’unanimité : le maire Labeaume est allé trop loin. Le voir brandir avec fierté sa canette de boisson énergisante durant le Conseil municipal était d’un pathétisme frôlant le ridicule.

Labeaume, en plus de manquer de respect à certains de ses concitoyens, a offert une tribune publicitaire parfaite et gratuite à l’entreprise privée concernée par cette affaire. En fait, pour tous les Montréalais et autres Québécois qui ont du mal à comprendre le célèbre «mystère Québec», Labeaume personnifie à merveille le mysticisme entourant la Capitale-Nationale. Sa déclaration sur les ondes d’une radio commerciale l’illustre à merveille : «Il y a des gens qui ont les yeux sur ce phénomène-là [la campagne d’achat de canette] et qui vont pouvoir dire qu’à Québec, le monde est intelligent.» Pas sûr que les gens du reste de la province se disent ça…

En plus de ses sorties médiatiques en faveur de la «mal boisson», le maire y est allé de ses déclarations chocs sur une guerre qu’il ne comprend tout simplement pas. Sa vision de la mission en Afghanistan se limite à du manichéisme simpliste : nous sommes les gentils, ils sont les méchants. Nous détenons la vérité démocratique absolue, ils ont tout à apprendre de notre mode de vie. Extraits choisis : le désormais légendaire : «Vous allez combattre des barbares. Des barbares qui ferment des écoles. Des barbares qui détruisent des vies. Des barbares qui détruisent leur patrimoine. Des barbares qui avilissent les femmes», et le moins connu : «Ce que vous allez tenter de faire, c’est de permettre à des enfants de recommencer à avoir des rêves. Vous allez permettre à des familles de croire qu’il est possible encore de
vivre normalement».

Vivre normalement? Qu’est-ce que cela signifie pour Labeaume? Avoir trois voitures, une maison en banlieue, deux enfants et une hypothèque? Le modèle de vie nord-américain qu’il défend avec tant de pugnacité, le même qui est en train de faire dangereusement glisser notre économie dans un trou sans fin. De quoi voulez-vous qu’un enfant afghan rêve? De toute son existence, il n’a connu que la guerre, tout comme, avant lui, ses parents, ses grands-parents, ses arrières-grands-parents, etc. Notre démocratie n’est pas infaillible et elle est impossible à imposer à des peuples dont la culture est totalement à l’opposé de la nôtre. Tous les êtres humains ne sont pas occidentaux et chacun a été éduqué dans un système de pensée propre. Et surtout, n’en déplaise à Labeaume, l’endoctrinement et la «barbarie» ne sont pas que l’apanage
des talibans.

Finalement, avec ses sorties de la semaine dernière, Labeaume a exactement créé le phénomène qu’il pointait du doigt lors de son discours sur les talibans : la haine. En effet, il suffit de faire un tour sur la page Facebook qui soutient la course sur glace pour comprendre que la situation lui a un peu échappé. «Vous êtes une plaie pour la ville de Québec [en parlant des plaignants du Vieux-Québec]. Des gens comme vous contribuent à faire mourir des événements exceptionnels qui n’apportent que du positif à la ville.» Ou encore : «Quand tu habites dans le Vieux, tu te dois de péter plus haut que le reste de la ville, écrit un autre. Le maire devrait diviser la ville en deux. Le glamour de la haute-ville et le reste de la racaille qui aime sa ville, qui en est fière et qui veut la montrer à des millions de personnes.» Quand le maire ne s’occupera-t-il que de politique municipale et arrêtera de donner son opinion sur tout sans retenue et, surtout, sans réflexion?

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