Comment va la démocratie?

Après plus de 25 années passées comme député du Parti québécois à l’Assemblée nationale, dont six à titre de président, Jean-Pierre Charbonneau en arrive au constat suivant : «Oui, la démocratie est malade». Selon lui, la participation citoyenne vit deux problèmes majeurs. Le premier repose sur ce qu’il qualifie de décrochage de la participation des citoyens à nourrir la démocratie, prenant pour exemple les faibles taux de participation aux élections, que ce soit à l’échelle fédérale, provinciale, municipale ou scolaire. La baisse du militantisme représente également, pour l’ex-député du comté de Borduas, un signe alarmant. «J’ai souvent l’impression que ce sont les mêmes qui participent […] Il faut prendre la parole en démocratie», affirme-t-il. Plusieurs raisons expliquent ce décrochage, selon Charbonneau, qui a aussi été ministre à la Réforme des institutions démocratiques. En tête de palmarès figurent notamment le problème de la compétence civique, l’éthique sociale alimentée par l’individualisme et l’hédonisme, l’éthique politicienne et journalistique, la tendance des politiciens à s’efforcer de convaincre que leurs choix sont les bons ainsi que le manque de sex-appeal de la vie politique.

Visions divergentes
Ce constat n’est cependant pas partagé par Michel Venne, directeur de l’Institut du Nouveau Monde. Selon ses dires, «la démocratie n’est pas malade, elle est en mutation. Elle est en mutation, car la société est en mutation». «Les individus sont de plus en plus autonomes. Ce sont les effets de l’État providence. Avec la sécurité et les systèmes de santé et d’éducation , les citoyens ont le sentiment qu’ils ont de moins en moins besoin de l’État. Ils ont le sentiment que le gouvernement est moins important», analyse-t-il. L’ancien journaliste du journal Le Devoir insiste pour dire que l’on a la mauvaise habitude de réduire la démocratie au droit de vote, ce qui, selon lui, est une erreur. «La démocratie, c’est comme une phrase. Le vote, c’est le point final. Ce qui est important, c’est le sujet, le verbe, le complément. Nous avons perdu le vocabulaire de la politique. Ce qui est important, c’est la délibération», dit-il ajoutant que nous en sommes rendus à modifier le fondement de nos institutions. Raymond Hudon, professeur au Département de science politique de l’Université Laval, abonde dans le même sens que Michel Venne, estimant que la situation n’est pas si catastrophique : «Les citoyens ne veulent plus laisser la gouvernance uniquement dans les mains des élites».

Mode de scrutin
Souvent pointé du doigt ces dernières années comme étant responsable des dysfonctionnements dans les différents parlements du pays, le mode de scrutin uninominal à un tour devrait être remplacé, ont soutenu les experts invités par
l’ÆLIES. Jean-Pierre Charbonneau, auteur du Livre blanc Le pouvoir aux citoyens, soutient que le Parlement devra prendre cette responsabilité : «Tant qu’un chef ne mettra pas en priorité la réforme du mode de scrutin et des institutions politiques, la population ne le demandera pas. Personne ne s’y intéresse vraiment.» L’ancien député péquiste, chaud partisan du système présidentiel américain, propose un système proportionnel mixte, où 75 députés seraient élus selon les conventions actuelles, et 50 par rapport au pourcentage de votes recueillis. Cependant, la volonté des élus à réformer le mode de scrutin reste confrontée à sa réalité. «Pour un député, le meilleur mode de scrutin, c’est celui qui lui a permis d’être élu», critique Michel Venne.

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