Contre le gaspillage et l’irresponsabilité

Élève de l’École de Chicago, université où il a décroché un doctorat en économie et co-
signataire du manifeste Pour un Québec lucide, Montmarquette a également déjà présidé le Comité sur le remboursement des prêts d’études. Mandaté par le gouvernement du Québec pour faire le point sur la tarification des services publics, le groupe de travail dont l’ex-ministre péquiste Joseph Facal a fait partie en est arrivé à la conclusion que le gouvernement québécois devait instaurer une nouvelle politique de tarification où les citoyens devrait financer les coûts de production des services, tout en tenant compte de l’effet de la tarification sur les plus démunis. «Il est plus efficace de subventionner directement et spécifiquement les ménages à faibles revenus, plutôt que de fixer un tarif global artificiellement bas pour tous», fait-il état dans son rapport.

Le gouvernement y essuie sa part de blâme, notamment en ce qui concerne la reddition de comptes:«Pour 38% des produits tarifés, il a été impossible de trouver le coût de revient. Ils ne connaissent pas leurs coûts. Aucune entreprise au monde ne pourrait fonctionner comme ça», insiste-t-il. Au Québec, en excluant le secteur de la santé, 36% des services offerts par l’État sont tarifés aux citoyens. Lorsque l’on y inclut la santé, cette proportion baisse à 17%. L’éducation post-secondaire est financée à 25% par les étudiants.

Défaire les mythes
Le professeur, membre de la Société Royale du Canada, tient à défaire certains mythes concernant la gratuité des produits offerts par l’État:«Il n’y a rien de gratuit. On a le sentiment que lorsque c’est payé par l’État, c’est gratuit. Ce mythe ne peut tenir la route». Son rapport met l’accent sur le fait que la «culture de la gratuité débouche sur le gaspillage et l’irresponsabilité». La porte-parole de Québec Solidaire, Françoise David, s’est férocement opposée à ce constat au moment où le rapport a été rendu public, en plus d’ajouter que ses conclusions rendraient la bureaucratie québécoise encore plus lourde: «Le concept d’utilisateur-payeur ne réduit pas le gaspillage, au contraire. Ceux et celles qui ont assez d’argent pour payer les tarifs vont continuer de gaspiller et ceux qui ont moins de revenus vont devoir se priver. Les mesures compensatoires que le rapport propose vont tout simplement rendre l’État plus lourd et plus bureaucratique dans le but de surveiller la population. Il faudra des bureaucrates pour décider si telle personne est assez pauvre pour avoir droit à une compensation ou pour vérifier les compteurs des résidences privées», faisant référence à la possibilité évoquée par le rapport de tarifer l’eau et donc d’installer des compteurs d’eau sur les résidences québécoises.

Frais de scolarité et remboursement
Montmarquette et son équipe défendent également l’augmentation des frais de scolarité pour l’éducation post-secondaire, soulignant que la hausse de 3%, en vigueur depuis 2007, était loin de correspondre à la hausse de 19,8% des prix à la consommation entre 1998 et 2008. Selon le président du comité, «les frais de scolarité devraient être ajustés selon les programmes de formation. Par exemple, actuellement, les étudiants en sciences humaines ou en lettres subventionnent les étudiants en médecine», fait-il valoir. Des 30 000$ par étudiant que coûte annuellement la formation en médecine vétérinaire, il n’en coûte que 4000$ en sciences humaines. Ainsi, les étudiants en médecine défraient 6% des coûts de leur formation, alors que leurs homologues de sciences humaines y contribuent à la hauteur de 42%. L’économiste va plus loin en proposant d’ajuster les prêts et bourses en conséquence, et en effaçant toute dette d’études non remboursée après 25 ans.

Oreille attentive
Malgré le terrain glissant sur lequel il a travaillé, le conférencier a néanmoins trouvé une oreille attentive chez les étudiants présents. Évelyne Beaudin, étudiante en économie politique, ne comprend pas pourquoi plusieurs s’y opposent tant: «Ce qu’il dit, c’est qu’il y a de grosses lacunes dans l’étude de la tarification. On devrait étudier chaque cas séparément. Il ne fait pas de généralisation, il sonne l’alarme.» Jessica Côté, du même programme, croit que «si on baisse le taux de consommation, ça va donner plus de ressources pour aider les gens moins bien nantis», a-t-elle ajouté.

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