Fatalité consumériste

Préparez vos poches, c’est Noël. Selon une théorie non scientifique de croissance, plus nous vieillissons, moins on reçoit de cadeaux et plus on en donne. Donc on s’appauvrit. Dans plusieurs familles, le problème a été réglé en faisant un échange de cadeaux simple. Un nom pigé égale un seul cadeau à donner, ce qui diminue considérablement le stress des achats avant Noël, et surtout, le stress du paiement de la carte de crédit après Noël.

N’empêche que le modèle de notre société rend difficile l’arrivée à une réunion du temps des Fêtes les mains vides. Sans compter les cadeaux que l’on aime bien se faire à soi-même. Cela explique en partie la folie qui s’installe dans notre thalamus à l’approche de Noël. La consommation, c’est l’émotion. En philosophie, le courant du sensualisme, dont John Locke est le précurseur, avance que la sensation est à l’origine de toutes les connaissances. En sommes-nous venus à réduire nos capacités à la simple, mais parfois très complexe, action de dépenser?

La raison l’emporte chez plusieurs, mais la dépendance au bonheur d’acheter fait des ravages. On a beau s’indigner contre la société de consommation, devenue une quasi-religion, mais chaque jour, elle s’efforce de nous démontrer ce qu’elle a de pire. Imaginez. La semaine dernière, un employé d’un magasin Wal-Mart d’une banlieue de New York est mort piétiné par une horde de consommateurs assoiffés de soldes. Au lendemain du Thanksgiving, il y a aux États-Unis ce qu’on appelle le Black Friday. Cette journée où les commerçants baissent leur prix, un peu comme le fameux Boxing Day, marque le signal de départ de la période de magasinage du temps des Fêtes. Le décès du consommateur a été constaté à 6 heures… du matin. Une heure après que le magasin eut ouvert ses portes. Pour dire vrai, la police a plutôt signalé que les portes avaient été défoncées par les consommateurs enragés. Une femme enceinte a dû être transportée à l’hôpital.

Si la consommation est devenue une religion, une contre-religion a fait son apparition. Toujours à New York, une nouvelle Église vient de voir le jour. Elle se nomme Stop Shopping, et est dirigée par un faux pasteur qui a décidé que l’avènement de son messie se ferait au Black Friday. Avec sa centaine de fidèles, il arpente les rues et, bien sûr, les magasins de la métropole américaine afin de répandre sa bonne nouvelle, poussant au passage, les gens à arrêter de consommer.

Entre une journée de soldes mortelle et l’apparition d’une religion qui remet en question les principes mêmes des économies occidentales, la passion et la raison s’affrontent. Dans une période où l’économie vacille, il est décevant de constater à quel point la consommation est devenu un mode de vie. Cette folie consumériste nous pousse à l’individualisme, où le confort personnel prend le pas sur le bien collectif.

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