La valse de la santé

La campagne électorale québécoise semble irréelle. Les grands partis, déconnectés des réalités mondiales, se sont lancés dans une traditionnelle course aux promesses. Alors que le monde songe à des réformes d’envergure et des coupes dans les services, le Québec fait encore une fois campagne sur la santé.

L’éditorialiste à La Presse, André Pratte, a fait cette semaine un plaidoyer pour sortir la santé de la politique. Cette proposition est sensée, car au rythme actuel, le dossier de la santé risque de devenir dangereux pour l’économie du Québec. La proportion des ressources que la province attribue à ce secteur ne cesse d’augmenter. Selon le secrétariat du Conseil du Trésor, la part de la santé dans le budget total de la province est passée de 30,6 % au début des années 1980 à 44,3 % en 2008.

En 2003, le dernier budget de Pauline Marois en tant que ministre des Finances, attribuait à la santé 19,1 G$. Les partis d’opposition critiquent l’inaction en santé du gouvernement libéral, mais le financement de la santé est pourtant grimpé à 25,47 G$ lors du budget de mars dernier. La moyenne de l’augmentation des dépenses en santé aura donc été de 5,7 % par année entre 2003 et 2007. Cette augmentation est majeure et beaucoup trop importante en comparaison avec la croissance économique du Québec. Selon l’Institut économique de Montréal, le taux de croissance moyen du PIB au cours des sept dernières années a été de 2,5 % au Québec. Le financement en santé augmente donc plus de deux fois plus rapidement que les capacités de l’État.

La problématique de la santé est généralisée à l’ensemble des pays occidentaux et n’est pas une préoccupation unique au Québec. Selon les chiffres avancés par l’Organisation de coopération et de développement économique, le Canada et le Québec se situent dans les premiers rangs en fonction de l’investissement par habitant. Par exemple, avec une dépense en dollars américains de 3678 $ par personne, le Canada investit plus que certains pays réputés pour leur système de santé comme la Suède avec 3202 $ ou la France avec 3449 $.

Selon un récent sondage de Léger Marketing, la santé est la préoccupation majeure des Québécois : 31 % des personnes interrogées souhaite en entendre parler pendant la campagne électorale. Les politiciens s’alignent évidemment sur les intérêts populaires. Les problèmes démographiques que vit le Québec feront en sorte que les listes d’attente resteront longues et que les urgences resteront bondées, peu importe ce que les partis promettent. Pour assurer une saine gestion de la santé, certains proposent de transformer le système de santé en société d’État comme Hydro-Québec. De cette façon, le système serait à l’abri des promesses irréalistes des partis politiques.

L’importance attribuée à la santé hypothèque d’autres secteurs d’importance pour préparer l’avenir. L’éducation, l’environnement, la dette nationale et la fiabilité des infrastructures deviennent des éléments secondaires alors qu’ils sont tout aussi importants. L’électorat de plus en plus vieillissant vote en fonction de ce qui le touche directement. La santé est sa première préoccupation. Ce déséquilibre créer une injustice économique sur les générations suivantes.
 

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