Le gouvernement américain à l’origine de la crise

Dans tous les milieux politiques, tant de droite que de gauche, un consensus ressort sur les origines de l’actuelle crise économique. Nous assisterions à une crise du capitalisme causée par le manque de réglementation du système bancaire et par la gloutonnerie des gens de Wall Street. Une récente publication de l’Institut économique de Montréal (IEDM) soulève un doute sur ces idées préconçues. Selon l’Institut, les difficultés actuelles découleraient davantage d’une défaillance de l’État que d’une défaillance des marchés.

Il est clairement établi que la crise économique a pris forme dans la crise immobilière américaine. L’effondrement de ce secteur a déclenché une réaction en chaîne se répandant sur les marchés internationaux par l’intermédiaire de nouveaux produits financiers. L’idée la plus répandue laisse croire que l’appât du gain et le désir dégénéré de faire du profit, peu importe les risques, ont poussé les banques à accorder une quantité démesurée de prêts à hauts risques, les subprimes. La publication de l’IEDM, écrite par l’économiste Pierre Lemieux, démontre que ce sont plutôt les règlements, les actions et la politique monétaire du gouvernement américain qui ont produit la bulle immobilière à l’origine de la débâcle.

La déréglementation du secteur bancaire américain est évoquée comme l’une des causes de la crise. Sans le contrôle nécessaire, les banques auraient abusé dans leur quête de profits. Cette perception des choses est illusoire. La déréglementation limitée effectuée à la fin des années 90, sous l’ère Clinton, avait comme objectif de permettre aux banques de procéder à des actions que les banques européennes effectuaient depuis longtemps. Ouvrir librement des succursales et exploiter des maisons de courtage mobilier étaient les principaux changements permis. En fait, la réglementation s’est accrue considérablement dans les dernières décennies. Cette augmentation est facilement perceptible par l’augmentation considérable des budgets des organismes gouvernementaux de réglementation.
Une série de règlements de nature éthique ont forcé les institutions financières américaines à relâcher les critères du crédit hypothécaire sous prétexte de lutter contre la discrimination. Durant les années 1990, les banques furent menacées de sanctions et acculées à faire face à des dommages si elles n’accordaient pas de prêts aux membres des minorités visibles, par exemple. Ces lois peuvent sembler honorables, mais elles ont poussé les banques à accorder des prêts à des gens peu solvables par crainte de faire face à des poursuites. Les sociétés d’État Fannie Mae et Freddie Mac auront aussi joué un rôle important dans l’augmentation des prêts à risques. Le ministère fédéral de l’Habitation a ordonné aux deux géants d’augmenter les prêts hypothécaires aux personnes pauvres.

Plusieurs économistes pensent que la bulle immobilière aurait été soutenue par l’accroissement de la masse monétaire par la réserve fédérale américaine. Les très faibles taux d’intérêt, aussi bas que 1 % en 2003, auraient été un incitatif majeur pour acquérir une propriété. En 2006, quand le prix des maisons s’est effondré, plusieurs propriétaires se sont retrouvés avec des hypothèques plus élevées que le prix de leur maison. Dans plusieurs États américains, la loi permet aux propriétaires de simplement abandonner leurs maisons. Nous savons maintenant l’impact que ces abandons ont eu sur les banques.

Il apparaît que les mauvaises actions du secteur bancaire résultent plus de mauvaises décisions étatiques que d’une mauvaise volonté des marchés. Des règles contraignant les banques à prêter, une politique monétaire expansionniste qui n’était pas nécessaire dans la conjecture et des actions par l’intermédiaire de sociétés d’État ont semé les germes d’une crise économique mondiale. Si les gouvernements veulent réglementer davantage les secteurs financiers, ils devront prendre garde de ne pas répéter les erreurs commises aux États-Unis.
 

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