Le péril bleu

À la suite d’une résolution adoptée en 1992 par l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture), le 22 mars de chaque année est officiellement considéré comme la Journée mondiale de l’eau. Pour souligner cette journée, M. Combe et Mme de Palacio ont invité des spécialistes de l’eau et des bâtisseurs de projets en lien avec la ressource à exprimer leur point de vue et leurs idées.

Cette réflexion n’est pas anodine, puisqu’elle fait suite aux recommandations émanant du neuvième Forum mondial de l’eau, ayant eu lieu à Istanbul du 16 au 22 mars derniers. Réunissant des gouvernements et des organisations internationales et non-gouvernementales, cet événement s’est conclu par des recommandations qui, selon Frédéric Lasserre, professeur de géographie à l’Université Laval et directeur de l’ORIE, «se suivent et se ressemblent». En effet, après une semaine de débats, les participants ont conclu qu’ils reconnaissent «les droits de l’homme et l’accès à l’eau potable et aux systèmes sanitaires» et que cet accès «est un besoin humain fondamental». M. Combe soutient qu’il est facile de signer des déclarations vertueuses sans nécessairement prendre d’engagements. «C’est un flot continu de paroles, sans mauvais jeu de mots. On n’a pas de problème à trouver des personnes pour en parler [de la problématique de l’eau], mais en termes plus concrets, on est soumis à des difficultés. Tout le monde s’accorde pour dire que la question de l’eau est majeure pour notre siècle. Mais quand on regarde les conclusions du forum, il n’y a rien qui a avancé.»

Conflits internationaux peu probables

La problématique de l’eau est au cœur des préoccupations politiques, sociales et environnementales du XXIe siècle. Avec les changements climatiques et la croissance de la pression démographique, certaines régions se retrouvent dans une situation dite de stress hydrique, c’est-à-dire dans un contexte où la ressource disponible n’est pas suffisante pour répondre à la demande. Cependant, le spectre de conflits militarisés interétatiques en lien avec le partage de la ressource ne semble pas crédible aux yeux de M. Lasserre. «Il faut se garder des scénarios catastrophes. Je ne pense pas qu’au XXIe siècle, d’innombrables guerres vont éclater avec, comme principal objet, l’accès à la ressource en eau. Par contre, dans certaines régions, les tensions liées à l’eau s’ajoutent à des tensions déjà existantes et le tout peut créer un cocktail explosif. On assiste à des tensions à l’intérieur des États, qui peuvent dégénérer en conflits violents», explique-t-il. Le géographe américain Aaron Wolf, professeur à l’Université Oregon state, va jusqu’à affirmer que «sur le plan stratégique, se battre pour de l’eau est absurde: on n’accroît pas ses réserves en faisant la guerre au voisin, à moins de s’emparer de tout son bassin hydrographique et de le vider de ses habitants et ce, au risque de terribles représailles». M. Wolf affirme que «la seule vraie guerre de l’eau connue remonte à 4 500 ans. Elle a opposé deux cités mésopotamiennes à propos du Tigre et de l’Euphrate, dans le sud de l’Irak actuel».

Des défis à relever
Selon M. Lasserre, il ne faut pas limiter les questions de l’eau au droit fondamental à l’accès à la ressource, même si elle en constitue un aspect important. Aussi, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, «la question de l’accès à l’eau ne recouvre pas du tout les questions de la rareté de la ressource», explique-t-il. M. Lasserre estime que le problème n’est pas tant dans la rareté que dans les problèmes de financement (réfection d’aqueduc, adduction au réseau, etc), d’utilisation et de gestion des infrastructures. Comme l’ont souligné les participants du Forum mondial de l’eau dans leurs recommandations, il est primordial de modifier la consommation de l’eau, en particulier dans le secteur agricole, puisque ce dernier consomme jusqu’à 85% de la ressource disponible dans certaines régions.

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