Le privé pour pallier le sous-financement

Sans surprise, le budget fédéral présenté par les conservateurs la semaine dernière occulte presque en totalité l’éducation. Mis à part les 2 G$ qui seront investis dans la rénovation d’établissements scolaires sur l’ensemble du territoire, dont on ne sait même pas qui en profitera, pas un centime ne sera versé aux provinces pour supporter le poids du déficit qui touche l’ensemble des établissements postsecondaires. Cette frilosité du fédéral à l’endroit de l’éducation n’est pas nouvelle et prouve encore une fois son total désintérêt par rapport à un sujet de société primordial.

Depuis le milieu des années 1990, l’éducation postsecondaire souffre d’un sous-financement chronique, à cause de la coupe des transferts fédéraux aux provinces. Selon les associations étudiantes de la province, ce manque à gagner s’élève à plus de 4 G$. Et la hausse des frais de scolarité, que le gouvernement Charest a imposé aux étudiants l’année dernière, n’y changera rien, puisqu’elle s’avère insuffisante.

Dans sa plateforme provinciale, déposée avant les élections du mois de décembre, la CADEUL a proposé une politique qu’elle dit novatrice, qui peut surprendre. En effet, l’organisation étudiante souhaite que le gouvernement provincial ponctionne 1 % aux entreprises ayant une masse salariale égale ou supérieure à 1 M$. Les entreprises contribueraient ainsi à un fonds dédié à l’enseignement postsecondaire. Pour la CADEUL, si cette politique avait été mise en place l’année dernière, le provincial aurait récolté pas moins de 65 M$, une somme énorme qui peut faire rêver, vu la situation financière précaire des établissements cégépiens et universitaires.

Cette proposition est surprenante, dans le sens où une organisation étudiante, comme la CADEUL, qui défend bec et ongles l’indépendance de l’université par rapport au privé, accepte que des entreprises participent au financement de leur établissement. Il est certain que ce n’est pas une incursion directe de grandes entreprises à l’université, puisque la proposition de la CADEUL concerne plus la mise en place d’une sorte d’impôt que d’un versement direct des entreprises aux établissements. Néanmoins, cette situation prouve à quel point les étudiants se sentent abandonnés par les institutions gouvernementales et tentent de trouver, par tous les moyens, des solutions face au néant qu’offrent les politiciens.

Où en est rendue l’éducation au Canada pour que ce soit des organisations étudiantes qui se retrouvent dans l’obligation de chercher des solutions à leur sous-financement? Comment le gouvernement fédéral peut-il faire la sourde oreille face aux revendications des établissements postsecondaires? La crise économique qui sévit à l’heure actuelle lui donne un prétexte parfait pour prioriser une idéologie qui favorise une certaine frange de la population. Effectivement, tandis que l’éducation se meurt, les conservateurs décident de diminuer les impôts de 20 G$ de dollars en six ans. Il y a un non-sens dans les priorités conservatrices, quand on sait que les étudiants du cégep et de l’université représentent l’avenir du Québec et, par extension, celui du Canada. Si plus aucun palier de gouvernement ne verse d’argent dans l’éducation, qui le fera? Les entreprises privées envahissent déjà les universités, orientant les recherches des départements vers leurs intérêts économiques. La proposition de la CADEUL est, à mon avis, une très bonne solution au manque de financement de nos établissements d’éducation. Malheureusement, sans un soutien de la part des étudiants au projet, j’ai bien peur que cette revendication disparaisse sur une tablette du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, comme tant d’autres.

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