Retour au pétrole cher

Jeudi, les représentants des 20 plus grandes puissances économiques de la planète se rencontreront à Londres. Le désir américain que les gouvernements investissent des sommes supplémentaires pour relancer l’économie et la volonté de l’Union européenne d’accélérer la régulation des marchés seront les points centraux discutés au sommet. Pourtant, une nouvelle problématique économique devrait faire partie des discussions.

Le sous-investissement de divers secteurs de l’industrie du pétrole risque de bloquer le processus de relance. Si l’économie mondiale reprend sa croissance au même rythme qu’avant la crise, l’offre de pétrole et de carburant raffiné risque d’être insuffisante. La baisse rapide des cours du pétrole a occasionné une chute des investissements en prospection, en infrastructure d’extraction et en capacité de raffinement. Bien que les surplus de stock de pétrole s’accumulent, la pénurie ne tardera pas en cas de reprise. Selon Guy Maisonnier, économiste à l’Institut français du pétrole (IFP), un nouvel emballement des prix de l’or noir n’est pas à exclure, car les mêmes causes produisent les mêmes effets.

La liste des projets mis sur la glace faute de financement est longue. Aux Émirats arabes unis, au Canada, au Brésil, au Mexique et en Arabie Saoudite, plusieurs projets de développement de champs pétrolifères sont en attente de financement. D’autres projets de construction de raffineries ont aussi été abandonnés aux États-Unis et dans plusieurs pays du Moyen-Orient. Ce qui est problématique, c’est que cela prend des années avant que les investissements aient un impact réel sur le marché. Ceci est inquiétant, lorsque l’on sait que la moitié des barils produits aujourd’hui provient de champs matures qui sont en ce moment frappés d’un fléchissement de leur débit.

En prenant pour hypothèse une demande mondiale qui demeure stable, ce sont entre trois et quatre millions de barils par jour qu’il faut produire. Selon les données de l’institution financière française Société Générale, ces millions de barils serviraient uniquement à compenser le déclin naturel des champs pétrolifères. Cette quantité représente à elle seule la production quotidienne de l’Iran, quatrième producteur mondial d’or noir. Si l’on ajoute à ce creux les barils nécessaires pour répondre à la croissance attendue de la consommation mondiale d’ici à 2030, c’est l’équivalent de six fois la capacité de production de l’Arabie Saoudite qu’il faudrait extraire. Rien dans les perspectives d’investissement actuelles ne laisse présager la possibilité d’extraire autant de cette ressource.

Sur le plan environnemental, on pourrait se réjouir d’une future hausse du prix du pétrole, car les prix élevés sont un incitatif majeur pour se tourner vers les sources d’énergies alternatives moins polluantes. Par contre, le choc risque d’être rapide, ne laissant pas aux industries le temps nécessaire pour adapter leurs produits à la nouvelle réalité. L’industrie automobile risque de ne pas pouvoir s’adapter à temps. General Motors et Chrysler sont au bord de la faillite et les autres constructeurs manquent de liquidités pour faire les investissements nécessaires. La production de voitures électriques et hybrides à très grande échelle risque de prendre encore plusieurs années. L’industrie aérospatiale et le transport maritime n’ont même pas commencé à prévoir une nouvelle pénurie de carburant.

La nouvelle administration américaine et l’Europe ont fait de l’efficacité énergétique un de leurs chevaux de bataille. La Chine investit beaucoup dans les nouveaux moyens de transport. Toutes ces bonnes intentions risquent de rester vaines si le choc pétrolier survient trop tôt après la sortie de crise actuelle. Les puissances du G20 discuteront du nouvel ordre économique mondial en parlant de régulation des marchés et de mesures de relance. Il est pourtant capital de considérer que les ressources nécessaires à une reprise ne sont pas illimitées.

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