Un écotourisme peu écologique

À la recherche d’exotisme et après plusieurs heures de bus, d’avion et de marche, le spectacle que vous recherchiez tant apparaît devant vous : des pyramides méso-américaines de plus 140 mètres de haut, en plein milieu de la forêt tropicale. Vous êtes au Guatemala, sur le site archéologique El Mirador, dans la Réserve biosphère maya, lieu encore inconnu des touristes il y a quelques années. Au nom de l’écotourisme, ou tourisme vert, le gouvernement guatémaltèque a décidé de permettre aux voyageurs d’admirer le génie architectural de la civilisation maya, en prévoyant la mise en place d’un train les amenant directement sur place, au détriment du respect des lieux. Bienvenue dans le merveilleux monde du développement durable.

Pour prouver leur sensibilité à la chose écologique, les professionnels du voyage se sont réunis du 17 au 19 mars dernier au Centre des congrès de Québec, dans le cadre du Symposium international sur le tourisme durable. Durant cet événement, les têtes de pontes de l’industrie ont confirmé l’importance pour le tourisme de prendre un virage vert. Cependant, selon Pascal Grenier, responsable du Groupe de simplicité volontaire de Québec, ce genre de réunion est inefficace, puisque «le tourisme vert s’intéresse à des broutilles comme la réutilisation des draps et des serviettes, le recyclage et le compostage des déchets». Il ajoute que «bien que ces gestes soient positifs […], le transport en avion […] est de très loin l’élément environnemental le plus important et le plus polluant». Et pourtant, cet aspect de l’écotourisme n’est pas comptabilisé lorsqu’il s’agit de définir si une destination est verte ou pas. Les milliards de tonnes de gaz à effet de serre émis par les touristes occidentaux disparaissent des calculatrices aussi vite qu’ils se fixent dans l’atmosphère. Mais bien plus que les dangers globaux créés par les émanations de polluants, le passage de milliers de personnes sur des territoires protégés a un effet néfaste et direct sur la faune et la flore locale.

Le 11 avril dernier, le président équatorien, Rafael Correa, annonçait que les Îles Galapagos «courent un danger écologique imminent et il est nécessaire d’adopter des mesures visant à empêcher la dégradation de l’habitat et de l’impact environnemental sur l’équilibre délicat des espèces qui cohabitent dans le Parc national des Galapagos et la réserve marine». Selon les autorités équatoriennes, l’archipel est affecté par l’introduction d’espèces de l’extérieur, causée par le tourisme et la surpopulation. Cette situation n’est que peu surprenante à la vue de la présence continue de centaines de touristes sur les différentes îles de l’archipel, et ce, tout au long de l’année. De plus, la manne financière que représentent ces voyageurs fortunés a bien sûr attiré la population continentale, voyant ces étrangers comme une source de revenus non négligeable. Ainsi, certaines parties des îles non protégées de l’archipel se sont peu à peu peuplées pour en arriver au point de rupture actuel.

La recherche de destinations toujours plus exotiques et l’introduction du concept flou d’écotourisme justifient l’ouverture de sites, jusqu’ici protégés, aux touristes assoiffés de nouveautés. Même des joyaux de l’humanité, comme les Galapagos, ne font pas le poids contre à une industrie générant plus de 700 M$ de chiffre d’affaire annuellement. L’Amérique centrale est en train de succomber et «bétonne» littéralement ses rivages, par la construction d’hôtels, au nom de la demande croissante en sites verts et respectueux du développement durable. Malheureusement, ce concept n’est souvent limité qu’à sa sphère économique, en omettant de prendre en compte l’écologie et le social, sans lesquels il s’avère vide de sens.

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