Les réseaux sociaux se sont enflammés au cours des dernières semaines, suite à la destitution de la présidente de l’Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AELIÉS) pour harcèlement psychologique. Les versions de l’association et de son ancienne présidente se contredisent.

Démise de ses fonctions lors du conseil d’administration du 14 octobre 2020, Aurele Fanny Deutcha Nguelieu a tenu à se défendre dans une publication Facebook qui a beaucoup fait réagir.

Dans son texte publié le 16 novembre dernier, elle dénonce le processus décisionnel qui a conduit à sa destitution en le qualifiant de « procédure cavalière, inéquitable, expéditive et injuste ». Selon elle, les politiques de procédures et les règlements de l’AELIÉS n’ont pas été respectés.

Aurele Fanny Deutcha Nguelieu liste une série d’événements qui, d’après elle, suggère une volonté préméditée d’empêcher son élection, de la démettre et de paralyser son mandat, et ce, dès son entrée en fonction en juin 2020.

« La séance du CA au cours de laquelle j’ai été destituée fut présidée par mon adversaire lors des dernières élections à la présidence de l’AELIÉS. Pourtant, nous avions d’autres possibilités en termes de praesidium. On peut légitimement s’interroger sur le caractère équitable et impartial d’un tel choix. »

– Aurele Fanny Deutcha Nguelieu, ancienne présidente de l’AELIÉS

Selon sa publication, celle qui préside les assemblées de l’AELIÉS aurait placé une mise en demeure pour harcèlement psychologique le 12 octobre 2020. Aurele Fanny Deutcha Nguelieu dénonce le caractère non fondé et abusif de la plainte qui aurait mené à sa destitution deux jours plus tard. Elle considère ne pas avoir eu la chance de s’expliquer : « Jusqu’à ce jour, je n’ai pas non plus eu accès au procès-verbal (PV) de la séance, malgré mes multiples demandes, afin de constituer ma défense. »

Réponse de l’AELIÉS

Suite à la déclaration de l’ancienne présidente sur Facebook, l’association a réagi, qualifiant cette publication de mensongère et donnant sa version des faits via sa page le même jour.

« L’ancienne présidente de l’AELIÉS a été destituée pour un ensemble de comportements hautement inappropriés à l’endroit d’employé.es, d’exécutant.es et d’acteurs externes à l’AELIÉS. Plusieurs plaintes pour harcèlement psychologique ont été déposées contre elle au courant des derniers mois. Il est donc devenu apparent pour l’Association qu’elle devait se séparer de sa présidence. »

– AELIÉS

Selon l’association, les comportements d’Aurele Fanny Deutcha Nguelieu ont créé un climat toxique en son sein et ont menacé la santé psychologique de ses membres. Ayant une politique stricte concernant le harcèlement, l’AELIÉS a indiqué ne pas pouvoir tolérer ce type de comportements.

Son nouveau président, Jason F. Ortmann, n’a pas souhaité révéler précisément ce qui est reproché à l’ancienne présidente afin de protéger les victimes : « Ce sont des plaintes qui sont remises au comité des ressources humaines. [Ce dernier] a un devoir de confidentialité là-dedans. Des plaintes pour harcèlement, c’est hyper sensible et ce n’est à peu près pas possible de dévoiler ce genre d’information-là. » Il a toutefois mentionné que plusieurs membres de l’exécutif avaient manifesté l’envie de démissionner si Aurele Fanny Deutcha Nguelieu n’était pas destituée.

 « Il y a eu des démissions en lien avec ça. Est-ce qu’un conseil d’administration attend que tout le monde donne leur démission ou est-ce qu’un conseil d’administration agit dans le bon sens de l’association pour sa durabilité et pour être capable de continuer à servir ses membres ? »

– Jason F. Ortmann, nouveau président de l’AELIÉS

Des contradictions

Les versions de l’histoire de l’AELIÉS et d’Aurele Fanny Deutcha Nguelieu sont visiblement divergentes.

Dans une entrevue accordée à l’équipe d’Impact Campus, Aurele Fanny Deutcha Nguelieu affirme ne pas avoir été informée des plaintes à son endroit ni de la mise en demeure de la présidente d’assemblée, comme le prétend l’AELIÉS.

« Rien que sur ça, c’est déjà une violation de mes droits. On ne peut pas aller jusqu’à destituer quelqu’un [sans lui dire] quelles plaintes sont retenues contre elle. Je n’ai jamais vu ça. »

– Aurele Fanny Deutcha Nguelieu, ancienne présidente

Selon sa version des faits, la mise en demeure de la présidente d’assemblée découle des inquiétudes qu’aurait eues Aurele Fanny Deutcha Nguelieu par rapport à un conflit d’intérêts : « J’ai été informée par le secrétaire général de l’association qu’il est en couple avec la présidente d’assemblée. Si j’avais été une présidente drastique, j’aurais pu mettre, déjà là, fin au contrat de la concernée. Une présidente d’assemblée et un secrétaire général peuvent très bien tous les deux gérer un scrutin électoral. Beaucoup de choses font en sorte que le conflit d’intérêts peut être flagrant. »

Au moment d’élire un vice-président externe de l’AELIÉS, c’est le couple qui était responsable du vote secret comme ils en étaient les deux scrutateurs. Aurele Fanny Deutcha Nguelieu a donc demandé un accès aux résultats du scrutin en raison du conflit d’intérêts qui l’inquiétait. C’est cette demande qui serait à l’origine des accusations de harcèlement psychologique : « Je suis tombée des nues quand on m’a accusée de l’avoir harcelée à cause des résultats de scrutin. Selon elle, j’ai envoyé des messages Facebook en insistant pour avoir les résultats de vote et j’ai appelé pour avoir les résultats de vote pour clarifier. Donc ça prouve[rait] que je ne lui fais pas confiance et que je la contrôle. Sauf que ce qu’elle omet de dire, c’est qu’il y avait un conflit d’intérêts. J’ai demandé cela dans un langage poli, courtois et je ne dis rien que je ne peux pas prouver. »

Aurele Fanny Deutcha Nguelieu déplore qu’aucune enquête n’ait été effectuée dans le dossier et qu’elle ait été destituée « du jour au lendemain ». La plainte a été déposée le 12 octobre et elle a été destituée deux jours plus tard, lors du conseil du 14 octobre.

Jason Ortmann assure quant à lui que la procédure de destitution a suivi les règlements généraux de l’AELIÉS, contrairement à ce que l’ancienne présidente indique dans sa publication Facebook. Il n’a pas développé davantage sur les multiples plaintes contre l’ancienne présidente.

Dans sa publication, l’AELIÉS nie catégoriquement ne pas avoir laissé l’occasion à Aurele Fanny Deutcha Nguelieu de s’expliquer.

« L’ancienne présidente avait la possibilité de demander un recours en tant qu’exécutante et administratrice, jusqu’à la rencontre suivante du conseil d’administration. Elle a choisi de ne pas se prévaloir de ce droit pour faire appel légitimement à la décision. »

– AELIÉS

À cela, Aurele Fanny Deutcha Nguelieu répond qu’elle n’était pas en mesure pendant plusieurs semaines de réagir en raison de problèmes de santé mentale.

« Le conseil d’administration n’aurait pas été réceptif à ma version des faits. J’ai constaté que ça ne servait à rien. Je me suis dit : s’ils n’ont pas voulu m’entendre à ma destitution, pourquoi est-ce que je vais leur demander de m’entendre [à nouveau]? »

– Aurele Fanny Deutcha Nguelieu, ancienne présidente

Plus de détails lors de la prochaine assemblée générale

Vraisemblablement, plusieurs détails sont encore à démystifier dans ce dossier. Jason Ortmann affirme qu’en tant que nouveau président, poursuivre les démarches est dans ses priorités : « Effectivement, les membres aimeraient avoir des réponses et je pense que, dans le cadre d’une assemblée générale sous huis clos, on va avoir l’occasion de fournir plus d’information à nos membres et satisfaire leur soif de connaissance à ce sujet, ce que je peux très bien comprendre. » L’AELIÉS tiendra, à cet effet, une assemblée générale extraordinaire ce mercredi 16 décembre.