Chronique sur le résultat de la commission Bastarache

Cours Marc Bellemare, Cours

Si j’étais Marc Bellemare, je courrais. Non, si j’avais été Marc Bellemare, il y a belle lurette que j’aurais sacré mon camp aux îles Mouc-Mouc avec le reste de ma prime de ministre que j’ai empoché quand j’ai compris que le système politique québécois était corrompu. Est-ce que Marc Bellemare croyait vraiment qu’il pourrait faire sortir ce scandale dans la bulle médiatique québécoise sans s’attirer les foudres des dieux et que ceux-ci n’enverraient pas un Hercule ou un Hadès pour lui régler son cas? On pourrait écourter cette phrase : pensait-il être capable de faire sortir ce scandale en toute légitimité?

Dans toute organisation, on trouve quelqu’un pour éliminer les témoins gênants. Al Capone les faisait flotter au milieu du lac Michigan. D’autres les mettaient en camp de concentration. Ici c’est encore plus simple. On les fait passer pour des fous. On les poursuit et on les détruit, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que loques inemployables et tristes, et aux crochets de l’État qui les auront rendu ainsi.

On est en train de faire disparaître Marc Bellemare de cette manière. Il doit encore se demander ce qui vient de se passer. Comme un oiseau qui est rentré dans une vitre bien lavée. Ou encore, comme les Bruins de Boston terminant premier au classement général et se faisant battre par Montréal, huitième en ligne. Autrement dit, il doit être tombé sur le cul.

Tant que ça? Bellemare a attendu six ans pour dévoiler la vraie nature de sa démission du cabinet des ministres. Six ans! Pourquoi ne pas claquer la porte avec éclat et mettre le gouvernement dans l’embarras dès 2004? Pourquoi maintenant? On a déjà posé toutes ces questions. La fameuse commission Bastarache n’était-elle pas censée répondre, du moins en partie, à ces interrogations? On dirait que non. J’ai l’impression que la commission Bastarache est née dans un but et un seul: faire taire ceux qui chialaient.

Est-ce que Bellemare, dans un accès de pétage de coche au printemps passé, a voulu descendre le gouvernement Charest dans un «stand up mexicain»? Sauf que dans un «stand up mexicain», les armes sont égales. On pourrait comparer Bellemare à un kamikaze s’écrasant sur la tour d’un empire qu’on sait trop fort pour s’écraser sur lui-même. Comme une mouche gossante qui pique, mais qu’on écrase bien vite après la toute petite blessure qu’elle nous a fait subir.

Maintenant, Marc Bellemare est en chute libre et ne touchera le fond qu’au moment où un autre juge Bastarache ou quelque autre juge libéral abaissera son maillet de juge libéral pour signifier que le pauvre Maître Bellemare se sera défendu en vain. Aura trouvé des agendas datant de six ans pour rien. Mais surtout pour lui taper sur les doigts. Pour lui dire: «Es-tu fou?» Pour dire à tout le monde, à toute la province: regardez ce qui arrive quand on s’attaque aux dieux.

Ce qu’on a vraiment manqué dans toute cette histoire ce n’est pas la chute du mur de Berlin numéro deux. Un changement radical dans la politique québécoise. Ce qu’on a vraiment manqué, c’est l’occasion de se pencher sur le processus de nomination des juges au Québec. De le faire intelligemment et de s’interroger sur ce sujet de manière véritable. C’était bien le titre de la commission, mais qu’est-ce qu’on y a vraiment fait? On y a détruit Marc Bellemare.

Si j’étais Marc Bellemare, je courrais. Si j’étais Vincent Lacroix, je courrais loin. Mais ceci est une autre histoire.

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