Crise d’octobre : Le procès des Cinq

Dans la nuit du 16 octobre, on assiste à une vague d’arrestations, sans mandat, d’artistes, d’intellectuels et d’autres personnes soupçonnées d’être membres du FLQ. Parmi les victimes, on retrouve, entre autres, le syndicaliste Michel Chartrand, le porte-parole du Comité pour la libération des prisonniers politiques Jacques Larue-Langlois, l’avocat Robert Lemieux et les chefs idéologiques du FLQ, Charles Gagnon et Pierre Vallières. Tous sont accusés d’appartenance au FLQ et de conspiration séditieuse en vue de renverser le gouvernement du Canada. C’est le début du «procès des Cinq».

Pour souligner le 40e anniversaire de la Crise d’octobre, Lux Éditeur a publié un petit livre contenant des extraits de ce procès (Le procès des Cinq, 2010), accompagné d’une préface de Louis Hamelin. L’éditeur nous présente ce livre comme une «véritable pièce de théâtre politique.» Bien que les dialogues soient parfois un peu ennuyeux, on ne peut s’empêcher de sourire en lisant certains passages. En effet, le langage coloré de Chartrand et l’entêtement du juge Ouimet nous font parfois oublier que tout ça s’est réellement passé. Les personnalités flamboyantes des coaccusés y sont sans doute pour beaucoup.

Ce procès très médiatisé s’est déroulé au début de l’année 1971. La défense des cinq coaccusés, qui n’avaient pas d’avocat à l’exception de Larue-Langlois, était organisée autour de trois points. D’abord, ils ont mis en doute l’impartialité du juge Ouimet et ont demandé sa récusation, le soupçonnant d’être de connivence avec le Parti libéral. Leur seconde requête a consisé en le rejet de l’acte d’accusation pour cause d’irrecevabilité puisqu’on ne leur reprochait aucun geste ni discours en particulier. Enfin, ils se sont attaqué au caractère inconstitutionnel de l’application de la Loi sur les mesures de guerre, et donc de l’illégalité des arrestations, de la détention et des accusations.

Y avait-il réellement une insurrection appréhendée? Selon les tribunaux, la seule déclaration dans une proclamation du gouvernement qu’il existe un état d’insurrection réel ou appréhendé constitue une preuve de son existence. L’affirmation est tautologique. Verdict : les accusés seront finalement acquittés. Il sera écrit dans le jugement que «comme il n’y a pas eu aucune enquête préliminaire, on ne peut savoir actuellement ce que la Couronne reproche aux inculpés.»

Alors qu’on a généralement insisté davantage sur les aspects sensationnalistes de la Crise, ce livre a le mérite d’éclairer l’aspect proprement politique de cet événement et de soulever des questions fondamentales, en particulier sur le rôle et l’indépendance de la justice dans sa relation avec le pouvoir exécutif lors de pareilles situations. Il est en effet troublant de constater qu’une poignée d’hommes à Ottawa aient pu détenir un si grand pouvoir sans que le Parlement ni les tribunaux ne puissent s’y opposer.

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