L’Université Laval presse le gouvernement à trouver une solution aux coupures de 124 millions $ imposées rétroactivement aux universités québécoises pour l’année financière en cours.

Entrevue : Denis Brière s’impatiente

L’Université Laval presse le gouvernement à trouver une solution aux coupures de 124 millions $ imposées rétroactivement aux universités québécoises pour l’année financière en cours. 

David Rémillard 

Denis Brière (AG Ulaval) - Archives Impact Campus, Claudy Rivard-7Le recteur de l’Université Laval, Denis Brière, aimerait voir le ministre de l’Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, plus proactif et en mode solution pour aider les universités à éponger les compressions de 5 % demandées par le gouvernement en décembre dernier.

 

La question du financement des universités était d’ailleurs au coeur des discussions de la troisième rencontre pré-sommet, à Sherbrooke, il y a deux semaines. Mais le recteur est resté sur son appétit.

« Sherbrooke c’est bien beau là, mais on essaie de parler de l’avenir alors qu’on a une crise actuelle», lance le recteur lors d’un entretien avec Impact Campus. «La crise actuelle, ce sont les 124 millions cette année et les 124 millions l’an prochain, c’est 250 millions $. »

Le recteur précise qu’il est loin d’être contre l’idée de repenser l’éducation, mais la priorité est à court terme selon lui.

Silence radio 

L’administration lavalloise a déjà proposé trois pistes de solution au gouvernement. Mais elles sont demeurées sans réponse, déplore Denis Brière. «Ils n’ont pas mis de solutions sur la table, lance-t-il. Je pense qu’ils ne comprennent pas vraiment les finances de l’Université. Ce n’est pas comme une industrie, on ne peut pas fermer l’Université pour un an ! »

L’idée que semble privilégier le recteur est de traduire les coupures, qui pour l’Université Laval représentent 18 millions $, en un compte à recevoir. L’administration n’aurait alors plus besoin de jongler avec son budget, déjà remanié à quatre reprises cette année, et toucherait le montant des coupures lors d’un réinvestissement de l’enseignement postsecondaire.

M. Brière souligne que cette solution a déjà été utilisée en 2003 par le ministre libéral de l’Éducation, Pierre Reid. « La situation financière du gouvernement nous a contraints, pour 2003-2004, à réduire de 3,5% les étalons de financement pour les fonctions enseignement et soutien à l’enseignement», peut-on lire dans une lettre du ministre adressée à l’ex-recteur de l’Université Laval, Michel Pigeon, en date du 11 novembre 2003.

Le manque à gagner représentait alors 8,5 millions $, sommes que M. Reid s’est «engagé, dans le cadre du redressement financier à venir», à rendre à l’Université Laval.

«S’ils n’acceptent pas de traduire [les coupures] en langage comptable, par exemple par un compte à recevoir, je crois que ce sont les étudiants qui en paieront le prix», ajoute M. Brière.

Denis Brière s’est senti un peu moins seul la semaine dernière lorsque son collègue recteur de l’Université de Montréal, Guy Breton, a lancé l’idée des frais de scolarité modulés selon le programme d’études. «Mais dans le moment, ce n’est pas ce dont on a besoin.»

Confiance ébranlée 

La confiance de Denis Brière envers le Parti québécois s’est quelque peu estompée. Ce dernier estime que le gouvernement impose des déficits aux universités alors que l’État cherche lui-même à atteindre l’équilibre budgétaire. «C’est simplement un transfert de déficit», affirme M. Brière.

Un réinvestissement de 1,7 milliard $ a été évoqué par la première ministre la semaine dernière, mais il est non garanti et conditionnel au rendement économique de la province. À ce sujet, le recteur s’est encore une fois montré sceptique. «Comment voulez-vous avoir confiance dans les promesses de 2017 ou 2018 alors que ça fait 4 fois qu’on ferait notre budget cette année ?»

Les universités ont en effet dû s’ajuster à plusieurs reprises dans leurs prévisions budgétaires de l’année 2012-2013. Une hausse de 325 $ par année sur cinq ans a d’abord été décrétée par le gouvernement libéral de Jean Charest. À la suite de négociations avec les étudiants, l’augmentation est passée à 254 $ par année, puis a finalement été complètement annulée par l’élection du Parti québécois en septembre, laissant les universités sans une source de revenu prévue aux budgets. Et maintenant, ce sont les compressions qui compliquent la tâche des administrateurs, poursuit M. Brière.

Recherche : «il faudra reculer» 

Le recteur est d’autant plus inquiet des coupures à venir en recherche. Tel que le soulignait Impact Campus la semaine dernière, certains fonds ont subi des coupures de l’ordre de 30 %, notamment le Fonds Québec nature et technologies, dont l’enveloppe est passée de 50 à 32 millions $. « Mon impression à moi, c’est qu’on va devoir reculer. »

« Il y a des groupes de recherche qui ne seront pas renouvelés. Bâtir ces groupes de recherche ça a pris une dizaine d’années», prévient-il. «Il y aura une spirale de décroissance au Québec. »

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