Faut-il avorter les enfants atteints de trisomie 21?

Depuis la mi-juin, le Gouvernement du Québec a mis sur pied un programme public de dépistage prénatal de la trisomie 21, démarche qui existait déjà au privé. Le processus était recommandé depuis plusieurs années pour les femmes de plus de 35 ans, groupe d’âge pour lequel le foetus a considérablement plus de chance de développer cette maladie. Bien que l’amniocentèse – procédure durant laquelle une petite quantité de liquide amniotique est extraite de la cavité amniotique puis soumise à des tests –  demeure le procédé diagnostic, il est aussi possible de faire préalablement un test sanguin moins invasif. Toujours au stade de projet pilote, deux institutions offrent les tests de dépistage gratuitement: le Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ) pour la région de la Capitale-Nationale et l’Hôpital Sainte-Justine pour la grande région de Montréal.

Malgré l’évolution des mœurs et des technologies, l’avortement soulève toujours les questions éthiques du droit à la vie et de la liberté de choix en plus, dans le cas présent, de susciter la crainte de l’eugénisme. Selon la porte-parole du ministère de la santé et des services sociaux du Québec, Nathalie Lévesque, l’objectif est de permettre aux femmes enceintes de disposer des informations nécessaires pour faire un choix éclairé. Il ne s’agit pas d’encourager l’avortement d’enfants trisomiques.

Le président du comité de coordination du programme, Dr. Jean-Claude Forest, aussi professeur à la Faculté de Médecine de l’Université Laval et directeur du centre de recherche du CHUQ, tient quant à lui à préciser que le programme demeure en dehors des polarités pro-vie et pro-choix. « Nous respectons tous les points de vue. Le programme est offert sur une base volontaire. Ce qui existait déjà a été amélioré et est maintenant ouvert à toutes les femmes, sans restrictions d’âge », explique-t-il.

Il estime à 85 000 le nombre de femmes enceintes qui fréquenteront les deux institutions et entre 60 et 70% le taux de participation aux tests de dépistage. Au terme du projet, chaque région de la province devrait être munie d’un centre de dépistage et d’analyse.

L’Association pour l’intégration sociale, qui fête ses 50 ans, en partenariat avec d’autres organismes visant la promotion et la défense des droits des personnes présentant une déficience intellectuelle et de leur famille, a formé une coalition qui s’oppose à la mise en œuvre du programme de dépistage.

Cette association dessert plus de 330 membres dans la grande région de Québec et offre des services de soutien à la famille, des formations et des ateliers de langage. Sa directrice, Marie Boulanger-Lemieux, soutient que le programme lance un message social péjoratif. «C’est pratiquement dire que ces personnes n’amènent rien à leur communauté», affirme-t-elle. De plus, elle déplore que la prévention tienne plutôt de l’intervention, puisque la seule solution possible pour ne pas avoir un enfant atteint de la trisomie 21 est l’interruption de la grossesse.

Marie Boulanger-Lemieux a d’ailleurs elle-même quatre enfants : trois filles et un fils de 26 ans, Gabriel, qui présente un diagnostic de trisomie 21. « Gabriel est actif et très bien intégré dans la société : il travaille, a une copine, fait la cuisine, lit son journal tous les matins!» résume-t-elle. Mme Boulanger-Lemieux ne cache pas avoir trouvé l’annonce du diagnostic difficile, mais elle soutient que l’encadrement précoce et l’aide extérieure rendent la tâche plus aisée. « Le prochain projet de vie est de faire évoluer Gabriel vers un milieu différent du cadre familial », annonce la mère de famille. Pour que Gabriel habite en appartement, un encadrement rigoureux sera nécessaire. Celle-ci attendra donc sa retraite pour concrétiser l’entreprise afin d’être présente et disponible pour son fils.

Cet encadrement prend plusieurs formes et de nombreux organismes existent pour aider les parents et les familles. Les Répits de Gaby, un organisme qui dessert les familles dont l’enfant présente un trouble envahissant du développement (TED), offre la possibilité de prendre les enfants en charge durant la fin de semaine. En 2009, 93 familles ont fait appel à l’organisme pour leur jeune âgé entre 6 et 21 ans. «Dans les cas lourds où l’enfant doit quitter l’école, les parents sont souvent obligés de rester à la maison pour s’occuper de lui ou d’elle. Après 21 ans, les demandes de placement ne sont pas rares. Avec l’organisme, nous essayons de retarder au plus loin le moment où la demande de placement se fera», affirme la directrice des Répits de Gaby, Audrey Roy.
 

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