Et si le mot Nordique ne voulait plus rien dire?

Gilles Guilbault vs PKP

Avez-vous déjà remarqué que n’importe quel mot peut perdre tout son sens? À force de répétition, on peut faire perdre l’idée d’une idée même. C’est un peu ce qu’on fait à l’école depuis que notre cher Charlemagne a eu cette idée folle! Ce genre de répétition peut ouvrir la voie à deux résultats : soit comme au théâtre où on se rappellera des lignes importantes pour le reste de sa vie ou encore comme, lorsqu’à force de faire des changements d’huile, le mécanicien n’oubliera jamais comment faire. On peut aussi répéter à l’infini ses notes de cours de Connaissances des médias québécois, mais la matière apprise si chèrement ne sera plus que réminiscence la session prochaine.

Répétez le mot «patate» 10 fois. 100 fois. 1000 fois. Le mot ne sera plus qu’un verbiage incompréhensible à votre oreille avant longtemps. Le sens profond du mot s’en trouve attaqué. Avec «patate», ce n’est pas trop grave. Mais imaginez la même situation avec un autre mot. Avec un mot auquel s’identifient beaucoup de gens.
Nordiques, Nordiques, Nordiques, Nordiq, Nordik, Nordak… Nourdiq?

C’est ce qui arrivera quand Pierre-Karl Péladeau financera la construction d’un nouveau Colisée. Quand il achètera une équipe en difficulté. Les Coyotes de Phoenix ou le Lightning de Tampa Bay, peu importe. Quand le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) accordera une licence à PKP pour une deuxième station de télévision dédiée aux sports (ou aux Norbiques?).

La convergence est un sujet qu’on prend trop souvent à la légère. Avec une équipe de hockey, Quebecor Média atteindra l’apogée de la concentration médiatique. C’est bien rapidement qu’on verra les différentes sphères médiatiques, sportives, économiques ou politiques s’entrechoquer entre elles au Québec. Tout ça grâce aux nouveaux Dorniques.

C’est facile de comprendre le sentiment des gens devant la situation actuelle. Si les Canadiens de Montréal devaient en venir à être vendus et déménagés dans une contrée lointaine, j’en pleurerais à chaudes larmes et serais peut-être même prêt à faire le même genre de concession que les Québécois de la capitale s’apprêtent à faire.

Il faut prendre le temps de réfléchir aux impacts. Le fait d’en parler autant nous fait perdre l’idée même de ce que nous voulons. Est-ce que le maire Labeaume a pensé que sa belle capitale serait tapissée de A à Z par Quebecor? On sait bien de quoi PKP est capable pour faire du profit. Non? C’est ce qui me fait bien peur. Et ici, on ne parle que de sport. C’est certain qu’on n’est pas à deux doigts d’une guerre civile, mais il faut quand même penser que l’équipe que Québec a perdue avait une âme. Une âme qui vivait par elle même et qui faisait vibrer une ville. Celle qui nous reviendra aura-t-elle déjà vendu la sienne au diable?

À quoi aurons-nous droit pour faire augmenter les cotes d’écoute de Québécor-Tivi? Une bataille du Vendredi Saint pré organisée et vendue sur Illico dans une co-programmation spéciale, avec un combat de Lucian Bute? Une série de téléréalité P.K. Subban – Martin Saint-Louis? Ça, c’est vendre l’âme d’une équipe de hockey.

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Un autre qui doit être mort de rire à Ottawa c’est bien notre cher Harpeur. «Vous voulaye de l’aygent poure vôtre Nôrdicks? Vous vôtrez poure moé en échinge!» On lisait dans Le Soleil cette semaine que selon un sondage, pour battre les bloquistes dans la région de Québec, les conservateurs n’auraient qu’à financer le nouvel amphithéâtre. Après tout ce que les Québécois ont vu faire le gouvernement conservateur, ils vont vraiment se laisser influencer comme ça?

Au fond, tant qu’à vendre l’âme de leur équipe, aussi bien se débarrasser de la leur aussi…

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