De passage à l'Université Laval lundi dernier, Norman Cornett nous a accordé quelques minutes afin de présenter la projection du documentaire d’Alanis Obomsawin «Professeur Norman Cornett: Depuis quand différencie-t-on la bonne réponse d’une réponse honnête ?». Il dénonce par ailleurs le système imposé par les universités et leur conception de l’éducation.

La question qu'on ne pose pas

Monsieur Cornett enseignait à titre de professeur de sciences religieuses à l’Université McGill pendant 15 ans avant d’être renvoyé, sans préavis et sans raison. Alors que la loi exige que, pour toute personne ayant plus de deux ans de service, l’employeur doit fournir «une raison juste et suffisante» afin d’exiger son renvoi immédiat, l’Université McGill refuse encore de donner des explications. 
IMPACT CAMPUS: Les raisons de votre renvoi en 2007 sont-elles dues à vos méthodes d’enseignements ?
Norman Cornett: Je ne peux pas dire cela. En tant qu’intellectuel, il faut commencer avec ce que l’on appelle les premiers principes il faut aller au fond des choses, il faut examiner de près les enjeux, les motifs, les raisons. J’anime ce que j’appelle des rencontres dialogiques, des débats d’idées et cela sans barrières, on ne fait aucune exception.[…] Quel est le but de l’éducation? C’est de faire le plus grand bien au plus grand nombre. J’ai pris le soin de mettre sur pieds ce que j’appelle l’éducation communautaire de sorte qu’on peut inviter les meilleurs spécialistes dans des champs d’expertise différents et avoir favorisé un débat d’idées sur les questions du jour. 
IC: Après cette expérience et d’un point de vue devenu extérieur, quelle évaluation faites-vous du système d’éducation ?
NC: D’abord je me méfie de généraliser. Au fond, l’éducation est une expérience humaine, personnelle, voir individuelle. Ceci dit, je peux vous dire qu’il y a des dénominateurs communs. D’abord faut-il créer une ambiance de confiance en soi-même et confiance entre nous-mêmes. La confiance y est pour beaucoup. Deuxièmement [une ambiance] non menaçante, ça va de pair avec la confiance et surtout que l’on trouve le moyen que l’étudiant découvre sa propre voix et sa propre voie. La clé de l’enseignement, ce ne sont pas les réponses, ce sont les questions et tout le monde en classe a peur de poser des questions, surtout des questions stupides, mauvaises questions. Alors, comment créer une ambiance de confiance et non menaçante si vous n’êtes pas d’accord avec le prof! La première chose que je dis: il n’y a a qu’une mauvaise question celle qu’on ne pose pas.
IC: Est-ce que les universités sont encore un idéal de la liberté d’expression ?
Faut-il demander quel est le but de l’université et encore plus loin quel est le but de l’enseignement ? J’espère que ce n’est pas le but des étudiants au premier cycle [d’étudier] juste pour avoir un emploi. J’étudie pour développer, en tant qu’être humain, de sorte que je devienne une personne qui sait réfléchir qui sait penser, qui sait s’exprimer et agir. Parce que le but de l’éducation, à mon humble avis, c’est former un individu bien équilibré qui a une vision large. Ce que je vise en tant que professeur, ce n’est pas vous donner une note, un diplôme [ou] un emploi, moi je vous enseigne pour la vie pas pour un examen.
Crédit photo : Claudy Rivard
Consulter le magazine