Les deux atouts féminins

Mon décolleté est mon meilleur atout dans mon CV. Ça me navre de le dire, mais je sais que c’est vrai. Au collège, mes collègues féminines et moi avons tenu une étude hautement scientifique. Lors de notre examen radiophonique hebdomadaire, nous portions des décolletés de degré divers. Nous pouvions observer une tangente bien précise: plus les seins étaient dévoilés, plus la note était haute. Immanquablement, notre professeur donnait la mention «parfaite» à une fille peu vêtue. Désolée chers collègues masculins, tout votre talent ne pouvait rivaliser avec nos deux atouts.

Comme serveuse, mon pourboire augmentait exponentiellement lorsque mes vêtements raccourcissaient aux limites de la décence. Prostitution? Je préfère me définir comme femme d’affaires.  À défaut de pouvoir pisser debout, je peux faire ramper les hommes à mes pieds.

Paradoxalement, ma poitrine me nuira toujours pour certains postes. Une femme, pour être dirigeante, doit être laide et informe. La faculté de psychologie de l’Université de Denver, au Colorado, a prouvé dans une étude que plus la femme est belle, moins elle a de chances d’accéder aux hautes sphères décisionnelles ou aux métiers traditionnellement masculins.

Je l’avoue, j’aimerais être un homme. Je voudrais leur force musculaire, je voudrais pouvoir dire toutes les insanités du monde et qu’on me trouve drôle. J’aimerais tant sortir de chez moi mal habillée, mal peignée, l’air poquée et ne pas me sentir jugée. J’envie les hommes. Je les jalouse. Je souhaiterais tellement que ma craque de seins soit aussi passe-partout que leur membre viril.
En même temps, j’adore ma féminité. Je reste émue devant la fragilité, mais aussi devant la fronde d’une battante. Je m’extasie devant la complémentarité des deux pôles. Je me hais d’utiliser mes avantages corporels pour augmenter mon revenu. Je voudrais être assez forte pour ne présenter que mon intellect.

Je sais que j’aurai toujours à pagayer plus fort que mes collègues masculins pour parvenir aux mêmes postes. Si les femmes ont jusqu’à maintenant œuvré dans l’ombre du mâle alpha, elles n’en ont pas moins été influentes à leur manière. Comme le dit l’adage: «derrière chaque grand homme, il y a une femme.» J’ai hâte de voir les deux sexes marcher côte à côte, égal à égale.
Je suis ambivalente quant à la féminisation des titres. Un balayeur, une balayeuse. Un maître, une maîtresse. En France, les femmes préfèrent les titres au masculin pour éviter la péjoration. Je peux comprendre.

Un faux standard
Vivaldi a dû se retourner dans sa tombe lors du défilé de John Galliano à Paris pour sa collection printanière de 2011. Sur le morceau Printemps-Allegro, des squelettes sur échasses sur-maquillées se déhanchaient gracieusement, laissant voir l’arrondi de chaque côte. Ces femmes ne sont en rien réelles! Je ne comprends pas que l’on veuille ressembler à ces êtres décharnés. Si seulement les filles regardaient plus de pornographie! Elles verraient que les femmes du Vogue n’ont aucun rapport avec le fantasme des hétérosexuels.

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