Les enjeux se dessinent

À un mois de l’élection du prochain recteur ou rectrice de l’Université Laval, les enjeux prioritaires font surface. Sans grande surprise, le financement des universités fait partie des grandes réflexions sur lesquelles les cinq candidats, confirmés jeudi dernier par le Collège électoral, devront se prononcer. Mais d’autres priorités semblent attirer l’attention. La dégringolade de l’Université Laval dans les classements universitaires mondiaux minerait sa crédibilité selon plusieurs d’entre eux, alors que le recteur sortant, Denis Brière, défend mordicus le bilan de son premier mandat. L’embauche de professeurs fait aussi partie des enjeux prioritaires, tout comme la gouvernance. Survol des positions des candidats.

David Rémillard

François Blais, doyen de la Faculté des sciences sociales.

M. Blais veut redonner à l’Université Laval ses lettres de noblesse concernant la qualité de la formation offerte et de la recherche. Cette notoriété, elle passe par l’embauche de professeurs, selon lui. « C’est ma grande priorité ». Il ajoute que le nombre d’enseignants en poste est insuffisant pour compenser l’augmentation de 20% du nombre d’étudiants à l’Université Laval depuis les dix dernières années. « Le nombre de professeur est stable », mais le nombre de cadres a augmenté, a-t-il souligné.

M. Blais croit que l’Université Laval doit réfléchir à son avenir. « La notoriété ça ne passe pas par savoir si on rallonge ou non le PEPS ». Il ajoute que le plus grand enjeu, c’est la réputation de l’Université Laval et qu’il faut prendre des décisions en conséquences. « Il y a une baisse du nombre d’étudiants étrangers et une baisse du nombre d’étudiants de troisième cycle. C’est très grave ». M. Blais croit également que l’administration doit faire preuve de plus de transparence dans ses décisions administratives.

Robert Mantha, doyen de la Faculté des sciences de l’administration

Selon M. Mantha, il y a un profond malaise à l’Université Laval en ce qui concerne la gouvernance. Il dénote un manque flagrant de communication entre l’administration universitaire et la communauté. « C’est comme les droits de scolarité », a-t-il illustré, déplorant l’attitude du gouvernement de Jean Charest qui ne se prête pas au débat, a dialogue. « L’Université doit être une grande université, ouverte sur le monde, à l’écoute de sa communauté, et transparente ».

M. Mantha croit qu’il est impossible de gérer une université à la manière d’une entreprise privée. Il critique vivement l’administration Brière d’avoir tenté d’appliquer le défunt projet de loi 38 de l’ex-ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne. Le projet de loi, mort au feuilleton, visait à augmenter le nombre de membres externes à l’Université Laval sur le Conseil d’administration. Selon M. Mantha, c’est un manque de logique, et affirme que les décideurs universitaires doivent provenir du milieu.

Marie-Hélène Parizeau, professeure au Département de philosophie.

Biologiste de formation, la recherche universitaire a été « le pain quotidien » de Mme Parizeau. En ce sens, elle donnerait une place importante à la recherche au sein de l’Université Laval, mais estime qu’il ne faut pas perdre de vue les valeurs fondamentales d’une université, qui cherchent à former des citoyens du monde et des acteurs de la fonction publique. « Il ne faut pas tomber dans la pensée unique et présenter le seul discours de la recherche commercialisable », a-t-elle confié. « Les universités sont les vecteurs et les laboratoires du changement ».

Mme Parizeau déplore elle aussi la baisse de notoriété de l’établissement, et aimerait revoir la distribution des ressources à travers les différentes facultés d’enseignement. « En philosophie, on est toujours dans le rouge », a-t-elle affirmé. « Je ne sais pas ce qui se fait ailleurs, je n’ai pas accès », critiquant au passage l’accessibilité de l’information de plus en plus difficile sur le campus depuis quelques années.

Denis Brière, recteur sortant

En tant que recteur sortant, son premier mandat débuté en 2007 arrivant à échéance,  Denis Brière a tenu à défendre son bilan. Il affirme que le nombre d’enseignants sur le campus est suffisant, et que l’embauche de 80 professeurs est prévue cette année.

Concernant la gouvernance, M. Brière a déclaré ne pas vouloir rouvrir la constitution de l’Université Laval. « Si le projet de loi 38 est mort au feuilleton, c’est entre autres parce que j’ai fait des représentations », a-t-il affirmé. Selon lui, ses adversaires véhiculent « des légendes urbaines » à ce sujet.

Quant au manque de communication, M. Brière assure qu’il rencontre les étudiants et les membres de la communauté universitaire sur une base régulière. « Je n’ai jamais refusé une rencontre », a-t-il assuré.

M. Brière s’est positionné en faveur d’une hausse des droits de scolarité, mais à condition que le gouvernement ne se désengage pas. Il évoque un sous-financement de 620 millions de dollars des universités québécoises.

Finalement, M. Brière a vanté la mise sur pied de 36 chaires de recherche depuis 2007, dont 13 en sciences sociales, 15 en sciences et génie, et 8 en santé.

Esther Déom, professeure au Département de Relations industrielles

La gouvernance est le cœur de la campagne de Mme Déom. Elle mise sur l’approche de la collégialité pour assurer l’avenir de la direction de l’Université Laval, une méthode « qui a fait ses preuves dans le passé ».

Mme Déom dénonce l’augmentation de 43% du salaire du recteur, ou 100 000$, de l’année dernière. Selon elle, une telle augmentation donne l’image et est un symptôme de la mauvaise gestion des fonds publics injectés dans les universités. « La logique du secteur privé ne devrait pas s’appliquer », ajoute-t-elle.

Mme Déom met également un fort accent à la qualité de l’enseignement de la recherche. Devant un marché du travail en changement, elle croit que les étudiants doivent aujourd’hui recevoir une formation bonifiée, plus vaste, puisque plusieurs ne demeureront pas chez un seul employeur au cours de leur carrière. «Il faut leur donner, en plus des connaissances de base dans le domaine qu’elles et ils ont choisi, une capacité à réfléchir, à discuter et à s’ajuster aux changements ».

 

Consulter le magazine