Critique du budget Bachand

Les nouveaux vieux

Les étudiants québécois sont chanceux, au fond. Détrompez-vous quand vous croyez que vous serez endettés pour la plus grande partie de votre carrière. Le gouvernement s’est bien arrangé pour qu’une telle chose n’arrive pas. C’est sûr qu’on sera endetté en sortant de l’école, mais maintenant que les travailleurs, s’ils ne veulent pas se faire couper leur pension, doivent travailler jusqu’à 65 ans minimum, le temps ne manquera pas.

Ce moyen de garder les travailleurs sur le marché du travail plus longtemps existait déjà. Ce n’est pas une nouvelle. Toutefois, le resserrement de cette réglementation rend les choses plus difficiles pour certains relents du baby boom. Maintenant que ceux-ci sont arrivés à l’heure de la retraite ou y arrivent bientôt, c’est au tour de ceux de la génération juste en dessous (on pourrait les appeler les «nouveaux vieux») de se faire dire : «travaillez donc un peu plus longtemps, ça va être payant pour vous… mais surtout pour nous».

Parce que oui, passé 65 ans on a droit à 6% de plus sur la pension plutôt que 6% de moins avant ça. C’est bien, sauf que. Sauf que (je m’excuse pour tous ceux que ça va choquer, ma mère comprise) 65 ans, eh bien c’est vieux. C’est vieux pour faire certains métiers. Pousser des crayons jusqu’à 70 ans, je veux bien, mais une éducatrice en service de garde? Garder des enfants jusqu’à 60 ans, c’est déjà presque héroïque.

Ben oui et les nouveaux vieux qui arrivent à 50-55 ans et qui sont déjà essoufflés se font dire qu’ils en ont encore pour dix ans… plate de même… C’est 6% de moins par année avant 65 ans. Si un gérant de Zellers prend sa retraite à 55 ans, il perdrait 60% de sa pension? Où est le sens dans tout ça? Travailler moins longtemps et recevoir moins d’argent, d’accord, Mais perdre autant?

D’autres se demandent s’il en restera dans dix ans de l’argent. Est-ce que ça vaut la peine de se faire couper la moitié de sa pension maintenant que de se faire dire dans dix ans que les baby-boomers ont tout pris? C’est là qu’on entend le plus gros et gras «fwouin…fwouin…fwouin…»

La chance que les nouveaux vieux ont est d’avoir eu pour certains, sinon la plupart, des carrières assez stables. Ce n’est plus la réalité de bien des étudiants qui sont présentement sur les bancs d’école. C’est peut-être aussi la peur de beaucoup… C’est bien beau s’endetter, mais encore faut-il avoir un emploi stable pour payer ensuite…

Un emploi stable? Si vous n’étudiez pas une profession libérale ou un domaine très technique, c’est rare de nos jours… Très peu de gens vont travailler pour le même employeur toute leur carrière. Ce n’est pas vraiment triste. C’est seulement la réalité. Il faut s’y accommoder. L’école coûte cher. C’est comme ça.

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Michel David, chroniqueur au Devoir,  parlait vendredi d’une manière qui m’était bien familière. Il apportait des propos similaires aux miens la session dernière peu avant la rencontre des partenaires en éducation du 6 décembre. Il était probablement moins fougueux dans son écriture que j’aie pu l’être, mais je doute qu’il ne soit fustigé par qui que ce soit.

Même si le budget Bachand 2011-2012 est austère, voire cheap. Même si les droits de scolarités passent à 3793$ par année. On reste chanceux. Ben oui! Ça nous coûte encore 30% moins cher qu’en moyenne au Canada. C’est vraiment facile de ruer dans les brancards. Trop facile. Le moindre faux pas condamne ce gouvernement qui a eu la malchance de tomber dans la défaveur de l’opinion publique.

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On dit qu’on a réussi à éliminer seulement neuf fonctionnaires sur beaucoup trop. L’appareil budgétaire est trop lourd. On a de trop grosses dépenses. Mais voyons-le comme ça : Charest doit respecter ses promesses. Il doit ramener l’équilibre. Mais il ne peut pas hausser les droits de scolarité sans que les étudiants débarquent dans les rues. Mais il ne peut pas hausser la TVQ sans perdre de votes. Mais il ne peut pas non plus couper dans les cols bleu, blanc ou rouge sans s’attirer les foudres de tout le reste de la population.

Qu’est-ce qu’on va faire alors ? Nationaliser le Canadien?

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