Levée de boucliers contre les écoles passerelles

La loi 104 a été adoptée en 2002 par le gouvernement du Québec pour colmater une brèche ayant permis, entre 1997 et 2002, à des milliers de parents parmi les plus fortunés d'inscrire leurs enfants dans un établissement anglophone privé non subventionné (une école passerelle) le temps requis, une année, pour accéder légalement au réseau anglophone subventionné.

Le jugement de la Cour suprême, rendu il y un an, a invalidé cette loi en invoquant qu'elle portait atteinte aux droits des personnes impliquées. La Cour a soutenu que la loi 104 violait l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit le droit à l’enseignement dans la langue de la minorité.

Le gouvernement du Québec a jusqu'au mois d'octobre prochain pour modifier sa loi. Entre temps, une coalition a été formée au printemps dernier, à l’initiative de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB), qui réunissait artistes, politiciens et organismes à la défense de la langue française. Le regroupement visait entre autres à rallier plus de gens sensibles à la cause de la préservation de langue française, d’autre part à faire pression sur le gouvernement afin qu’il se positionne et prenne action contre le jugement de la Cour suprême.

La coalition souhaite notamment que le gouvernement Charest fasse appel à la disposition de dérogation (appelée parfois clause nonobstant ou clause dérogatoire). De son côté, le gouvernement affirme que faire usage de la disposition de dérogation et d’interdire l’enseignement en anglais est trop radical, d’où la proposition de la Loi 103.  La disposition de dérogation permet aux provinces de passer outre un amendement de la Charte des droits et libertés canadienne.

Pour le député péquiste Pierre Curzi, il était impératif et nécessaire de faire appel à cette mesure malgré l'hésitation gouvernementale. «C'est la partie qui embête le plus le gouvernement. Il répugne à utiliser la clause dérogatoire parce que je pense que pour bien des gens à l'intérieur du parti et pour bien des électeurs du Parti libéral, l'utilisation de la clause nonobstant est un tabou, une offense», soutient M. Curzi.

Le soulèvement
Le gouvernement n’a pas écouté les suggestions de la coalition. Voyant la loi 104 expirer bientôt, il a finalement déposé, la semaine dernière, le projet de loi 103, attisant encore plus la colère de la coalition. Rebaptisée «coalition contre le projet de loi 103», plusieurs organismes et personnalités publiques se sont joints à la formation.  Parmi eux, les partis politiques Québec Solidaire et le Nouveau parti démocratique du Canada, des centrales syndicales et des artistes.

La loi 103 propose de resserrer les critères qui permettent aux enfants de fréquenter les écoles anglophones, notamment en les obligeant à passer par le système privé  pendant trois années consécutives au lieu d’une seule.  

«La ministre responsable de l’application de la Charte de langue française pouvait prendre une décision courageuse, soit celle d'assujettir les écoles privées non subventionnées à la Loi 101. Elle a plutôt fait le choix d’élaborer de nouvelles règles pour évaluer une demande d’admissibilité à recevoir un enseignement en anglais dans une école financée par l’État. Nous considérons que c’est une décision inadmissible et c’est le message que porteront les membres de la Coalition au cours des audiences publiques», a affirmé le président de la Société Saint-Jean-Baptiste, Mario Beaulieu par voie de communiqué.

À cet effet, la coalition présentera un spectacle intitulé «Notre langue n’a pas de prix», le 18 septembre prochain, à Montréal. De nombreux artistes y prendront part, dont Michel Rivard, les Zapartistes et l’acteur Denis Trudel, qui témoigne de son engagement. «Le fait que le français baisse au Québec vient me chercher en tant qu'artiste, parce que c'est mon outil de travail, soutient Trudel. Si la langue est menacée, je vais me battre pour ça. Je pense que c'est fondamental. On a fait une loi et 30 ans plus tard, pour une raison difficile à comprendre, le français diminue à Montréal. Alors nous sommes plusieurs à nous lever, en espérant que cela aura un impact», affirme le comédien.
 

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