Regard critique sur le discours de Jean Charest

Regarder son nombril

Robert Lepage est à New York. Arcade Fire est aux Grammys. Le Cirque du Soleil est partout dans le monde. Garou et les autres «artisss» pompeux du Québec sont rendus à Paris. Même Céline est retournée à Vegas tellement il y fait bon vivre… Qu’est-ce qui cloche dans cette histoire?

Le discours d’ouverture de Jean Charest à l’Assemblée nationale commençait à peu près comme ça. En bénissant le rayonnement international de la culture québécoise. C’est bien. C’est même très bien. Sauf que Céline va-t-elle venir enseigner le français dans les écoles secondaires? Malgré les tableaux intelligents dans toutes les classes promis par le premier ministre, je parierais que même Robert Lepage avec une mise en scène digne du confessionnal ne s’y risquerait pas.

On est tellement fiers de tout ce qui est «made in Québec» partout dans le monde qu’on oublie trop vite que c’est ici que ça se passe. C’est cool que le cinéma québécois s’exporte, mais si on n’est pas capable d’écrire en français comme il faut, la relève ne sera pas très forte…

C’est beau que le Cirque du Soleil soit en Chine et en Europe. Au Québec aussi. Mais si on n’a pas de lit pour soigner les clowns qui tombent en faisant une culbute, on n’en aura pas longtemps des clowns qui marchent sur un fil de fer à 50 pieds dans les airs pour le grand plaisir des petits et grands.

Ce que je veux dire c’est qu’on doit se concentrer sur nous un peu… C’est bien triste à dire, mais pour une fois, oui, soyons donc un peu individualistes. Soignons donc nos bobos avant d’essayer de panser ceux des autres.

Notre système d’éducation est en train de s’écrouler. Notre système de santé est une plaie béante. À toujours aller voir ailleurs et à s’immiscer dans ce qui nous regarde plus ou moins, on risque fort de se retrouver avec une infection.

C’est certain que Jean Charest se concentre sur le Québec. Il a élaboré son discours au complet sur des mesures à prendre pour qu’on soit bons et qu’on soit beau et patati et patata… J’ai l’impression qu’il se réconforte lorsqu’il parle de tous ceux qui rayonnent à l’étranger. J’ai l’impression que lorsqu’il regarde dans sa cour, il aimerait lui aussi être de ceux-là. Ceux qui regardent de loin. Regardés de bien bas.

On doit cesser de se réconforter. On doit agir. Mais le premier ministre ne peut faire le travail tout seul. Évidemment, quand il se sera planté, on dira bien que c’est un pourri et qu’on le déteste donc bien. Sauf qu’on sera toujours en quelque sorte, partie intégrante de cette débarque politique.

L’ASSÉ et la FEUQ et la FECQ et trop de monde lui ont craché dessus après son discours. «Le gouvernement y contribuera encore davantage, le secteur privé y contribuera davantage, et les étudiants feront leur juste part.» On y revient encore. Mais non, les étudiants ne veulent pas payer pour un service. C’est impensable voyons!

Pourquoi ne devrait-on pas payer? Oui, il y a des gens qui dans le monde qui ne payent pas pour aller à l’Université. Non, on n’en fait pas partie. On a littéralement échoué à implanter le système de la réforme tiré de ces pays. On croirait qu’on n’est pas compatibles. C’est triste. C’est comme ça.

Jean Charest ne regarde pas assez son nombril? Et bien nous devrions peut-être moins regarder le nôtre…

Consulter le magazine