Un débat sur la souveraineté camouflé

Depuis la proclamation de son indépendance en 2008, le cas du Kosovo fait couler beaucoup d’encre, particulièrement dans les pays ayant en leur sein des mouvements séparatistes, comme le Québec au sein du Canada. Tout récemment, en juillet 2010, la Cour internationale de Justice s’est prononcée en faveur de la légitimité de la souveraineté kosovare face à la Serbie et à sa reconnaissance dans le monde. L’avis juridique ne fait que ranimer le débat de la légitimité d’une éventuelle souveraineté québécoise.
 
Certains, comme le professeur Jonathan Paquin, remettent en question l’avis de la Cour internationale de Justice sur l’indépendance du Kosovo. Selon le politicologue, sa portée légitime quant au droit de sécession des États désirant obtenir leur indépendance serait extrêmement faible de par le fait que le droit constitutionnel n’y est pas abordé. De plus, cet avis ne serait qu’un «pétard mouillé», puisque le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes serait davantage une question politique que légale.
 
Daniel Turp a un point de vue différent, influencé par son allégeance politique. Il voit l’indépendance du Kosovo comme un événement dont la portée serait importante et significative pour l’État, mais aussi pour les autres pays. Cet avis mettrait d’ailleurs fin à l’évocation du principe de l’intégrité territoriale qui ne serait qu’applicable que dans les relations interétatiques et qui, selon la Cour, ne devrait jamais être un obstacle à la sécession.
 
L’ex-chef libéral Stéphane Dion estime quant à lui que la possibilité de sécession devrait être évoquée dans la loi. C’est ce que permet d’ailleurs la Loi sur la clarté référendaire dont il est l’instigateur et qui, selon lui, légitimerait la possibilité du Québec à effectuer sa souveraineté. De plus, le député libéral affirme qu’il n’existe aucun droit qui permet d’imposer la sécession sur le plan international. Stéphane Dion dit reconnaître le poids démocratique d’un référendum tout en niant son effet juridique. Plusieurs facteurs légitimeraient l’indépendance du Kosovo, selon lui: le Kosovo se gère indépendamment depuis dix ans.
 
L’avis de la Cour internationale de Justice quant à l’indépendance du Kosovo ramène donc directement à la question de l’indépendance québécoise. Stéphane Dion estime d’ailleurs que, si le camp indépendantiste remportait un référendum, la victoire devrait être démontrée par une majorité claire (loi sur la clarté). Ce qui amène l’ex-chef libéral à remettre en question le principe du 50%+1 que le péquiste Daniel Turp juge démocratique. Ce dernier critique d’ailleurs fortement la loi sur la clarté référendaire, qualifiée d’antidémocratique, puisqu’elle avait été désapprouvée par une majorité de députés québécois et qu’elle n’avait été sujette à aucune consultation au sein du Québec. Malgré le thème du Kosovo, le débat sur la légitimité de sécession du Québec a pris la place centrale de la conférence.

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