Les quarts de travail de temps supplémentaire se multiplient pour les infirmières, les menant sur le bord de l’épuisement profess

Une bataille pour la qualité des soins

Selon Nancy Bédard, présidente de l’Alliance des Syndiquées interprofessionnelles du CHUQ (ASIC), il est temps de faire place à un plan d’action doté de moyens concrets afin de gérer le syndrome du TSO. Saluant la prise de conscience de l’employeur sur cette question, elle précise du même souffle que c’est le gouvernement qui possède ultimement le pouvoir de réformer le système en profondeur.

«Nous observons un désengagement assez important de l’État face au réseau de santé public. Il résiste fortement à la mise en place de mesures pour protéger les professionnelles du milieu de santé» affirme-t-elle.

Rappelons que l’employeur peut, au nom de l’accessibilité et de la continuité des soins, forcer un professionnel de la santé à effectuer un second quart de travail consécutif. Un manquement à cette exigence peut entraîner des sanctions disciplinaires importantes aux contrevenantes, tel un retrait temporaire du permis de pratique.

Les principes d’accessibilité et de continuité des soins sont des piliers du code de déontologie infirmier. Gyslaine Desrosiers, présidente de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, constate que l’utilisation actuelle du code dénature celui-ci et met en péril son intégrité.

Les contraintes financières des institutions hospitalières peuvent expliquer l’utilisation quotidienne du TSO. «Il est plus rentable de payer une fille à temps et demi que d’ouvrir un poste», soutient une infirmière employée du CHUQ préférant garder l’anonymat. Elle doit se contenter d’un poste dans une équipe volante, faute d’ouverture dans le département qui l’intéresse. Une telle pratique épuise le personnel, qui ne peut plus fournir une prestation de travail appropriée. «J’aime mon métier, j’aime mon département, mais je pense de plus en plus à partir à cause du temps supplémentaire», lance-t-elle.

Nancy Bédard précise que bien que «nos hôpitaux soient gérés avec des exigences de performance extrêmement importantes», le manque de poste n’est qu’un problème secondaire. Il y aurait maintenant une pure et simple pénurie de mains d’œuvre.

Les agences privées critiquées

Cette situation laisse un goût amer à plusieurs infirmières, car elles n’ont plus l’impression d’avoir la mainmise sur leur quotidien. Elles sont donc de plus en plus nombreuses à se laisser courtiser par des agences privées de placement.

Ces entreprises, menant actuellement des campagnes de publicité intensives sur de populaires réseaux sociaux, profitent de la multiplication du TSO afin de recruter massivement.

Actuellement, une infirmière du réseau public doit, pour obtenir un poste, travailler durant trente jours de probation avant d’être orientée vers un milieu plus spécialisé. Suivent trente autres jours de probation avant d’obtenir le poste convoité.

Une fois sur le plancher, elle côtoie parfois des infirmières provenant d’agences, qui n’ont pas reçu une telle formation. «Comment peut-on tolérer de verser des millions de dollars aux agences qui offrent des infirmières ne possédant pas nécessairement la formation adéquate à leur milieux de travail, alors que les infirmières publiques, qui se doivent de respecter des standards élevés, se voient offrir des conditions de travail sans commune mesure?», s’insurge la président de l’ASIC.

Cette façon de procéder n’est pas constructive et fait un «mal épouvantable au secteur public », ajoute-t-elle. En effet, « Ils ne représentent pas la réalité». «Si tout le monde part dans les agences, précise-t-elle, qui va soigner les patients les fins de semaines, la nuit et le soir?»

Économiquement, les agences ne représentent pas une solution défendable, car la facture présentée à l’institution hospitalière dépasse souvent le double de ce que coûte une infirmière employée directement par cette même institution.

Selon Bédard, « la seule personne qui pourrait faire un frein à cela est notre gouvernement », mais « le potentiel du privé est sans cesse élargi sous bâillon à la fin des sessions parlementaires, grâce à une bonification de la loi créée par l’ex-ministre de la santé [Philippe Couillard]avant son départ »

 La solution passe par les jeunes

L’optimisme transparait toujours chez les jeunes infirmières rencontrées par IMPACT  CAMPUS. « Mon cours de soins infirmiers a changé ma vie ; j’ai pu assister à des naissances, des décès, des événements importants dans la vie des gens » déclare une jeune diplômée de la promotion 2009.

Cette nouvelle génération de soignantes, sensibilisée par les difficultés actuelles, se mobilise afin de promouvoir leur profession, et d’ainsi améliorer leurs conditions de travail. «Plus nous serons nombreuses, plus nos conditions vont s’améliorer» assure-t-elle.

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