L’écriture au service de l’art audio

 

PHOTO: Mois multi

Sabica Senez a d’abord été romancière et nouvelliste. «À la sortie de mon roman Nulle part ailleurs, en 2004, j’ai commencé un deuxième roman, mais j’étais en panne d’écriture. Cependant, je savais que j’avais des choses à dire», explique-t-elle.

Elle découvre l’art audio grâce à Avatar, un centre d’artistes en arts audios et électroniques. «J’ai fait une résidence de création à Avatar et j’ai eu l’idée de faire lire par le logiciel pour aveugles speech-to-text le texte de fiction de Philippe Aubert de Gaspé. Le tout avec des voix en anglais, en français, en allemand et en italien. Puis, j’ai fait une relecture de ce matériel sonore, un peu comme le peintre mélange ses couleurs avant de les mettre sur la toile, et c’est ce qui a donné Sans les mains, ma première œuvre sonore», indique Sabica Senez, qui a remporté une bourse du Conseil des arts pour continuer son travail.

Ses œuvres sont à la limite de l’écriture et de l’art audio. «Mes résultats singuliers proviennent de l’écriture. J’ai le sens du rythme du récit. Comme j’écris, je suis capable de faire une montée dramatique, une chute, une histoire. J’ai passé de l’écriture à l’art audio, car l’important en création, c’est de créer, peu importe si on doit changer de discipline ou de matériel», dit-elle.

Création pour Berlin
L’installation Wo Bist Du? (Où es-tu?) a d’abord été créée pour le Festival de poésie de Berlin, en juin 2007. Le directeur du festival, Thomas Wohlfahrt, était venu en décembre 2006 pour recruter quelques artistes au Québec, dont Sabica Senez. «Afin que les Allemands reconnaissent quelques mots, j’ai beaucoup travaillé en allemand et en français, mais les mots nous échappent, ils créent une ambiance», explique-t-elle. L’installation, qui prendra place au Jardin Saint-Roch, est en fait une cabine téléphonique dont le téléphone se met à sonner lorsqu’une personne passe entre cinq et dix pieds de la cabine. Quand la personne décroche le combiné, des sons qui sortent autant du combiné que des quatre petits hauts-parleurs dissimulés dans la cabine enveloppent l’auditeur.

«Wo Bist Du? (Où es-tu?) évoque la distance, l’absence, l’attente et l’éloignement entre deux personnes. La cabine est un prétexte, c’est une idée qui m’est venue comme cela, pas très conceptualisée. Ce sont beaucoup plus les journalistes et les critiques qui intellectualisent l’œuvre, l’artiste ne se pose même pas la question de la signification. C’est une succession d’idées, de flashs et d’émotions», précise-t-elle.

Les textes qui émanent de la cabine sont issus d’une conversation amoureuse. «J’ai travaillé avec des «Je t’aime», des numéros, des prénoms bref, tout ce qui pouvait évoquer, pour moi, une conversation entre deux amoureux qui sont éloignés et ce, avec des voix de femmes, d’hommes, en allemand, français, espagnol et italien», renchérit Sabica Senez.

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