La Mélancolie des dragons

La nouvelle création d’Ex Machina, présentée au Théâtre du Trident et mise en scène par Lepage, n’est ni une vaste fresque comme La trilogie ou Lipsync, ni un solo virtuose de manipulation d’objets aux lignes narratives inventives comme La face cachée de la lune ou Le projet Andersen. Il s’agit plutôt d’un récit de vie intimiste où sont dépeintes les désillusions d’un homme en exil, pris entre son ex-femme québécoise stérile et sa jeune amante chinoise enceinte. L’intrigue prévisible est pourtant désamorcée par la triple finale, qui, en plus d’exposer la précision des acteurs, reprend la métaphore des gorges du fleuve Yang-Tsé où étaient jetés les enfants non désirés, l’une des fables mythologiques qui nourrit le récit.

Outre les lieux familiers chez Lepage (gares, aéroports, avions, bars urbains), l’impressionnante machine scénique sur deux étages devient tour à tour une galerie d’art et un hangar rénové en appartement, dont les immenses fenêtres sont ponctuellement assaillies par les orages. La combinaison des éclairages et de ce dispositif créent des ombres contrastées sur les visages des personnages, dont les traits deviennent aussi précis que ceux de la calligraphie chinoise, très présente dans le décor. D’autres scènes témoignent que Lepage mérite toujours son surnom de magicien scénique : neige, bicyclettes, train miniature et autres effets mécaniques redonnent leur regard d’enfants aux spectateurs conquis d’avance. On ne retrouve pas la Chine poétisée de La Trilogie, mais plutôt un mélange d’images tapageuses et de visions nostalgiques. Une recette qui, visiblement, rapporte.

Consulter le magazine