Une ville pleine d’histoires

Je jette mes ongles par la fenêtre de Natalie Jean est une célébration de la vie qui bat au cœur de la Vieille Capitale. Les destinées qui s’entrecroisent dans ce recueil de nouvelles brossent un portrait vivant et actuel de la ville de Québec.

«La ville est pleine d’odeurs, de couleurs, de gens, ma ville est pleine d’histoires», dit la narratrice de «Détails», l’une des nouvelles, celle qui jette ses ongles par la fenêtre. D’une histoire à l’autre, Québec est révélée sous tous ses angles. Rémi prend un café au Krieghoff rue Cartier («Focus») et va magasiner au Benjo rue Saint-Joseph («Point de fuite»). Florence habite au 36 bis rue Christie, en passant devant le café Chez Temporel, elle pense au graffiti qu’elle a fait dans les toilettes («Café»). Alice admire les fortifications du pont supérieur du traversier Québec-Lévis et marche dans le quartier Saint-Jean-Baptiste. «Le printemps a semé des piétons colorés des deux côtés de la rue, ça pique-nique déjà dans le cimetière.» («L’odeur de la poudre»). La basse-ville, le cap Diamant, le fleuve, les Plaines d’Abraham. Québec au fil des saisons, sous un épais manteau blanc au cœur gelé de l’hiver ou cuisant sous un soleil caniculaire estival. Les décors quotidiens des personnages sont familiers.

Jeunes et moins jeunes, ils sont graphistes, étudiants, plongeurs, musiciens, ambulanciers, serveurs. Ils vivent le coup de foudre, commencent un nouvel emploi, se détachent de passés troubles, font l’amour, sortent acheter du café ou une glace, s’indignent, rêvent. Les protagonistes nous racontent des bribes de vie, du banal, à l’exceptionnel, au traumatique.

Le style est simple, accessible et imagé. De sa plume évocatrice, Natalie Jean transforme le lecteur en spectateur. L’espace d’un moment celui-ci est complètement aspiré dans le petit monde de chacun de ses héros. Je jette mes ongles par la fenêtre est une tapisserie d’existences, où les fils se croisent et se recroisent. Dans «Le son du rire», Simon croise l’ambulancier de «Contraste». Dans «Fruit mûr», Samuel fait l’amour avec Alice. Dans «Rouge», l’héroïne s’amourache de Simon. Dans «L’odeur de la poudre», Alice aime Samuel. Bref, tous ces gens ne partagent pas que leur ville, mais aussi leurs vies.

Malheureusement, l’étroite unité de la forme et du ton entre les nouvelles ne confèrent pas aux personnages toute la profondeur dont ils pourraient bénéficier. À quelques reprises, ils se confondent les uns aux autres. Leurs valeurs et leurs intérêts sont plus ou moins les mêmes, certains n’ont même pas de nom et leurs propos pleins de beaux idéaux n’évitent pas toujours de tomber accidentellement dans le discours moralisateur.

N’ayez crainte, cela demeure amusant et intéressant. Il ne faut donc pas l’ignorer pour autant.
 

Consulter le magazine