La finissante à la maîtrise en arts visuels présente le fruit de son mémoire à la Galerie des arts visuels.

Au cœur de la tourmente

Au centre de la Galerie, une plateforme circulaire où se tiennent des panneaux de bois à la verticale disposés comme les murs d’un labyrinthe. Le visiteur est attiré à l’intérieur du cercle d’où jaillissent les œuvres de Caroline Guindon, images étranges d’où émane une ambiance industrielle, délaissée et surréaliste. Au milieu de l’installation, un miroir. Nous sommes pris au piège entre notre propre image et le tourment évoqué par les mises en scène de l’artiste, un mélange de photographies et de peinture à l’aérographe (airbrush).

«Tragédies fantômes est la représentation d’images mentales, de traces laissées par une blessure. C’est intangible», explique Caroline Guindon. Celle-ci soutient toutefois que sa première exposition n’est pas une autoreprésentation. «La blessure est un sujet universel et intemporel. Qui n’a jamais eu de «fantômes»? C’est sûr que le travail vient de moi, mais il rejoint tout le monde personnellement», a justifié l’artiste, qui travaillait initialement sur le concept plus collectif de l’Apocalypse. L’idée de la plateforme ronde provient d’ailleurs de cette ébauche.

L’univers tourmenté de Tragédies Fantômes est accentué par l’illustration de certaines mises en scène en milieux glauques. «J’adore les lieux abandonnés», révèle la finissante à la maîtrise en arts visuels. «Il y a une charge émotive énorme, une mémoire. Il y a de la beauté dans l’abîme.» Le sentiment d’étrangeté, facteur prédominant de l’exposition, est également soulevé par les fonds photographiques, dans lesquels quelques éléments viennent agacer l’imaginaire du spectateur, comme le masque à gaz. La manipulation de photographies, leur superposition et les peintures à l’aérographe, donne, selon l’artiste, «un fini radiographique» aux œuvres, ce qui «soulève le surréalisme». «Avec le airbrush, il y a une liberté qu’on n’a pas avec le pinceau. C’est un jet continu», apporte Caroline Guindon, en ajoutant que cette technique fait ressortir le côté industriel de ses mises en scènes de par son style street art.

C’est entre autres grâce à cet esthétisme urbain que le jury, notamment composé de Lisanne Nadeau, directrice de la Galerie des arts visuels, a sélectionné le projet de Caroline Guindon parmi les dossiers des autres candidats, tous étudiants à la maîtrise en arts visuels. Cette soumission de projets se produit à chaque année, à l’automne. «C’est l’équation du contenu et de la forme qui nous a touché. Nous étions unanimes. Dans ce travail-là, il y a avait une nécessité, c’était comme un cri du cœur. On sentait que c’était un projet majeur pour Caroline et que nous devions lui donner l’espace et le soutien requis», avoue la directrice de la Galerie, témoin de l’évolution en milieu académique de la finissante. Lors de son baccalauréat, celle qui a conçu Tragédies fantômes se spécialisait en photographie et en peinture, dans une approche qu’elle qualifie de «plus picturale et rationnelle». L’artiste émergente s’est ensuite concentrée sur son sujet de recherche, son mémoire, qu’elle nous présente cet automne, dans un élan senti. 

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