Banlieue rouge en groupe

 

André Forcier a toujours eu le don de jouer avec son récit comme un enfant avec son hochet : il le tourne et le retourne, le fait repartir dans une direction insoupçonnée et y  mène tous ses personnages de front; il s’amuse. À un moment, il serait préférable qu’un personnage meure? Il crève alors de la manière la plus idiote sans que le spectateur ait quelque explication véritable. Pas grave, on ne regarde pas un Forcier en espérant de la vraisemblance de premier degré et, de toute manière, la drôlerie poétique de l’ensemble compense tout excès.

 

Selon son habitude, Forcier dépasse les contours lorsqu’il colorie les personnages. Son crayon pousse trop loin par endroits : le promoteur immobilier rappelle Elvis Gratton en moins imbécile; les deux ados sont particulièrement ados, à l’instar de ceux dépeints dans les œuvres de ces adultes qui apparemment ne comprennent rien aux pubères contemporains. Reste que depuis le temps qu’il tourne, Forcier sait créer de beaux personnages étranges et Coteau rouge n’est pas en reste par rapport à sa filmographie.

 

Le propos du film pourrait lui aussi paraître un peu gros, surtout par son « anticapitalisme », mais le cinéaste offre des contrepoids pertinents à l’intérieur même de son discours filmique, comme ce jeune qui se lance dans la tonte de gazon écologique pour les banlieusards aux mini-manoirs de plastoche; il engage des amis qui tondent à sa place, leur donne un salaire et empoche les bénéfices; sans le savoir, il vient de comprendre le principe d’exploitation de la main-d’œuvre, lui qui détestait l’avidité crasse de son oncle… 

 

Sur le plan visuel, ce n'est pas à couper le souffle, mais c'est bien fait. Au moins il ne cède pas à la tentation de la longue focale omniprésente « pour faire beau » (le sujet net et le reste flou, une maladie transmissible visuellement). La première utilisation est sur le cochonnet du jeu de pétanque. Autant dire qu’il rigole. Et nous avec, dans le fond. C’est un film poétique et grotesque conçu pour rigoler.

 

Quoi ?  Coteau rouge

Qui ?  André Forcier

Quand ? sortie le 9 septembre

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