Commentaires sur «La conscience du désert» de Michel Biron.

Biron conflictuel

J’aurais pu orienter cette critique sur la façon dont est composé La conscience du désert de Michel Biron, vanter sa rigueur analytique et l’intérêt de la perspective nouvelle qu’il ouvre sur la position de l’écrivain québécois. J’aurais pu souligner qu’en fait, le nouveau livre de Biron est davantage un recueil d’articles au ton universitaire fédéré sous un même thème (celui de l’écriture se dressant contre le vide) qu’un essai homogène divisé en chapitres. J’aurais également pu me pencher sur le corpus d’œuvres contemporaines qu’analyse Biron, mais j’aurais alors dérivé vers une critique idéologique.

J’aurais oublié le littéraire pour m’étirer longtemps sur l’exaspération que provoque en moi ce personnage contemporain «non-conflictuel» dont parle Biron dans l’un de ses articles sur Houellebecq, un personnage devenu le modèle de toute une génération de romanciers désillusionnés. Ceux-ci peignent leurs états d’âme, nourris de cet amour qu’ils ont de leur propre pathétisme qui les enferme dans un rapport tragique, à l’abandon, dans lequel ils se cloisonnent et sombrent.

Je les aurais probablement traités de romantiques masochistes s’astiquant l’introspection existentielle. Puis, pour preuve, j’aurais cité Biron parlant du rapport d’un personnage (contemporain) de Suzanne Jacob à sa mère: «Certes, il lui en veut (un peu, mais pas trop) de ne pas lui avoir donné un système de valeurs qui lui aurait permis de gagner en maturité […]». J’aurais réagi en de longues saillies fustigatrices se rapprochant de celles-ci:

«Elle ne lui a pas donné de valeurs. Et que fait-il pour compenser? Il s’abandonne à la désincarnation… Et c’est supposé être ÇA, l’individu contemporain!?

Non, ÇA, c’est Jacob qui se projette en ses personnages. Mais nous ne sommes pas Suzanne Jacob. Nous sommes ceux qui ont à rebâtir les valeurs et idéologies que Suzanne Jacob a tassées en mai 68 au profit de celles qu’elle a abandonnées en mai 80. Et notre tâche la plus urgente est de désengommer la sphère culturelle du pessimisme de ces quinquagénaires qui de leur croisade humaniste n’ont conservé que le réflexe moteur de cracher sur tout. Non, nous ne vivons plus bercés par les doux remous du consensus identitaire. Oui, nous sommes en voie d’éclater les idées communes au profit d’une concentration sur l’opinion individuelle, mais ce mouvement n’écrase que les individus en carence de responsabilité intellectuelle.»

Après avoir dit tout cela, je me serais demandé ce qu’il faut faire de ces personnages qui s’affaissent sur eux-mêmes. J’aurais trouvé la solution chez Biron: «[Ces] petits récits qu’ils produisent, n’ont l’air de rien, minuscules, si peu contraignants, si peu visibles en somme qu’on finit par les oublier». J’aurais conclu en proposant de les laisser s’affaisser sur eux-mêmes.

J’aurais pu écrire tout cela (clin d’œil), seulement, j’avais peu d’espace. Que pouvais-je donc faire? Je suis allé voir auprès des vrais critiques, vous savez, ceux de l’institution journalistique. C’est Didier Fessou qui m’a inspiré la solution. Voici donc ma critique Fessouyenne du nouveau livre de Michel Biron: pédant, mais possédant une quelconque qualité.

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