Critique de l’album Mitan de Tire le coyote

D’abord, on toussote un peu, question de déloger la poussière qui nous est entrée au fond de la gorge quand le shérif est passé à toute allure à cheval devant nous. On plisse les yeux pour faire face au soleil de plomb. Bienvenue dans l’univers « Morriconnesque » de Mitan, le dernier-né de Tire le coyote, paru le 22 janvier dernier. 

Justine Pomerleau-Turcotte

Album Tire le coyoteBenoît Pinette réussit à nous plonger dans une ambiance folk aux accents western grâce, entre autres, à des arrangements judicieux, laissant une belle part à la pedal steel, à l’harmonica et au violon. Sur ce plan, Calfeutrer les failles est particulièrement bien pensée : l’introduction armée d’un riff enlevant à la guitare cède la place à des sections contrastantes plus lentes et cette variété capte l’attention tout en servant le texte d’une belle façon. Au fond, l’esprit émanant de chacune des chansons dénote une maîtrise des ingrédients nécessaires à ce son particulier; toutefois, cette cohérence n’est en aucun cas synonyme de redondance.

Les textes sont porteurs d’une poésie qui étonne; du genre qu’on goûte en lui portant une véritable attention mais qui peut avoir le malheur d’échapper aux oreilles distraites. L’opposition entre le vocabulaire familier et la délicatesse des sentiments exprimés éloigne le quétaine et le déjà-vu qui guettent sournoisement les auteurs de chansons d’amour – dans ce cas-ci, l’embuscade est évitée avec brio. Dans Chanson d’amour en sol standard, l’artiste de Québec déclame : « Te souviens-tu au magasin/Je t’ai trouvé dans l’rayon des soleils/Et depuis j’en ai pour mes sentiments », et en parlant d’un « amour fort comme un tracteur », s’éloigne habilement des clichés du genre. Dans Jésus, l’énumération des malchances de l’amoureux éconduit réussit à faire sourire par sa créativité ( « T’as rempli sa piscine a’t’a poussé dedans », « Tu y’as appris la guit’, a’l’a cruisé l’bassiste »…) mais la finale coup de point a tôt fait de remodeler notre état d’esprit.

En somme, Tire le coyote nous livre un album dont les choix artistiques sont assumés, et nous fait passer un agréable moment. On s’immerge dans un décor créé sur mesure pour des chansons bien faites, qui ne méritaient qu’un aussi bon traitement.

3.5/5

Consulter le magazine