Certains romans présentent tant de problèmes, tant de lacunes à la lecture qu’on ne sait par où commencer quand vient le temps de les critiquer.

Critique dithyrambique

André Carpentier

Dylanne et moi

Boréal

Certains romans présentent tant de problèmes, tant de lacunes à la lecture qu’on ne sait par où commencer quand vient le temps de les critiquer. Pour d’autres, comme pour Dylanne et moi, c’est exactement le contraire. Tant de qualités en ressortent qu’il devient très difficile de tenter l’exercice du compte-rendu. Mais tentons.

L’auteur André Carpentier, avec ce dernier roman paru au Boréal, nous offre un texte sur la création artistique dans tout ce qu’elle peut avoir de complexe, d’inexpliqué et d’entier. Il y a un piège grossier dans lequel peut s’abîmer quiconque tente d’écrire sur la création : celui de l’explication. Heureusement, l’écrivain l’évite ici habilement et sans le moindre effort ; le lecteur pragmatique qui espère apprendre le b.a.-ba de la création artistique sera mortellement déçu, car dans Dylanne et moi, on montre, on n’enseigne pas. Rien de didactique, d’explicatif ou de professoral dans ce roman, et c’est tant mieux : le narrateur entre, dérouté, dans un univers dont il ne connaît que le nom, et en ressort, à la fin du roman, comme d’un long rêve éveillé.

Ce narrateur répond donc à une annonce dans un journal et devient, un peu par surprise, le modèle et le cobaye d’une artiste échevelée mais consacrée. La démarche de Mademoiselle Dylanne – l’artiste en question –, nous montre que la création vient de l’intérieur. Non pas dans le sens où elle doit absolument exprimer un vécu ou des émotions personnelles, mais plutôt dans l’optique où elle doit naître d’une réflexion, d’un questionnement, d’une incompréhension, et non d’une simple volonté artificielle – « Je veux créer. » Le roman et son propos sont donc en parfaite adéquation, puisque jamais, au fil du récit, le lecteur ne perd-il cette impression prégnante de vérité. Dylanne et moi parle vrai, parle beau, parle bien. L’écriture ne se complaît dans aucune lourdeur stylistique : légère et grave, porteuse de sens jusqu’à la dernière lettre, elle n’encombre jamais la démarche et ne craint pas les ellipses – alléluia – qui évitent au lecteur de s’attarder à autre chose qu’à cette expérience totale, à ce voyage complet que lui fait vivre le roman d’André Carpentier, auquel il faut bien donner ce qui lui revient de droit, c’est-à-dire une critique tout simplement dithyrambique.

Jean-Michel Fortier

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