Critique littéraire : Ce qu’on respire sur Tatouine

Parmi les romans à surveiller durant cette rentrée littéraire, Ce qu’on respire sur Tatouine de Jean-Christophe Réhel, publié aux éditions Del Busso, est incontestablement une œuvre à ne pas manquer. Il s’agit du premier roman de l’auteur, ce dernier ayant déjà publié deux recueils de poésie auparavant.  

L’univers utopique d’un personnage bien réel 

Ce qu’on respire sur Tatouine est l’histoire d’un homme habitant à Repentigny dans le sous-sol d’un dénommé Normand. Ce sont les péripéties de sa vie amoureuse, de sa solitude, de son amour pour la poésie, mais surtout de ses fréquentes visites à l’hôpital. En effet, le narrateur est atteint de fibrose kystique et c’est sur un ton d’humour dérisoire qu’il raconte son quotidien. Bien que la maladie soit un élément omniprésent dans sa vie, il choisit pourtant de ne pas se laisser vaincre par celle-ci : ses nombreuses visites dans les meilleurs fast-foods montréalais le démontrent amplement. 

S’il y a véritablement un deuxième élément faisant partie du quotidien du narrateur outre sa fibrose kystique, c’est Star WarsLe narrateur s’amuse à entremêler son monde et celui des personnages du film culte dans toutes les sphères de sa vie. Il compare l’élue de son cœur à Amidala, sa chambre à Dagobah et son monde idéal à la planète Tatooine, d’où vient le nom du roman. Cette planète faite de sable, existant seulement dans l’imaginaire du narrateur, mais bel et bien réelle selon lui, représente l’utopie. Sur cette planète tout le monde est heureux, personne n’a besoin de travailler, les habitants y font des anges dans le sable plutôt que dans la neige et surtout, les Sidekicks sont à volonté.  

Quand l’humour et la maladie s’unissent

Ce qu’on respire sur Tatouine est une œuvre touchante, à laquelle un grand nombre de personnes pourront s’identifier. Il s’agit d’un hymne à la normalité. Le protagoniste est loin d’être parfait, et c’est de là que vient la beauté de l’histoire. Il ne détient pas les répliques parfaites, il déçoit la plupart des gens de son entourage et il s’interroge grandement sur le sens de sa vie. Il se cherche, comme tout être humain en quête de quelque chose de plus que de travailler pour ensuite payer un loyer et vieillir. En somme, sa vie n’a rien d’extraordinaire et c’est la raison pour laquelle il est si facile de s’y identifier.  

Au fil des pages, le narrateur nous emporte avec lui dans ses aventures quotidiennes les plus anodines. Au travers des saisons, nous vivons avec lui, d’une certaine manière, sa maladie et les difficultés qu’elle lui impose. Il ne nous épargne pas les détails des conséquences que la fibrose kystique a sur la vie d’un individu, ce qui nous permet de comprendre davantage les difficultés de son quotidien. Malgré sa maladie, le narrateur ne se prend jamais trop au sérieux et il n’est pas rare de se retrouver à rire à voix haute des péripéties qu’il nous raconte tout en étant touché par ce qu’il vit : « Je ne lui dis pas que je n’ai pas de REER et que j’aime mieux dépenser chaque dollar de ma retraite dans des cheeseburgers du McDonald’s. Quand tu as la fibrose kystique, un hamburger au fromage, c’est tangible. » 

Le roman ne dispose d’aucun chapitre, et ce choix colle bien avec le personnage principal. Sa vie n’est pas structurée; il se considère comme un fantôme dans son propre monde, émotionnellement absent de tout ce qui pourrait l’atteindre.  Les évènements s’enchaînent rapidement et on se retrouve désireux de savoir quelles seront les prochaines aventures du narrateur. D’ailleurs, l’œuvre se déroulant à Repentigny et à Montréal, celle-ci renferme maintes références contemporaines, ce qui la rend d’autant plus intéressante. L’auteur utilise un langage familier tout au long de l’œuvre, entre autres présent dans les dialogues. Ceci ajoute à la légèreté de la prose et favorise une lecture agréable et rapide.   

En conclusion, le roman de Jean-Christophe Réhel vaut certainement le détour. C’est une œuvre empreinte d’humour, mais surtout touchante sachant que l’auteur est aussi atteint de fibrose kystique et c’est sans filtre qu’il nous livre les détails de son expérience. Ce qu’on respire sur Tatouine s’adresse à tous ceux qui désirent abandonner leur réalité pour quelques instants et rejoindre l’univers farfelu et authentique d’un Jedi de Repentigny.

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