Hanna Abd El Nour a créé une suite soutenue de performances artistiques comme autant de variations autour de thèmes connexes : perte de sens, individualité, matérialité, quête existentielle, mort, etc. Questions tout à fait brûlantes en art actuel. L’expérience qu’il désire faire vivre au public en est une qu’il est nécessaire de recevoir avec son corps et ses émotions primitives. Telle une sorte d’épreuve, un voyage initiatique, une remontée vers la métaphysique de sa propre chair. Nulle question de divertissement ou de recherche de beauté ici.
Dans toute la richesse des tableaux vivants qui défilent quatre heures durant, une très nette impression de tragique se dégage : violence, souffrance… Est-ce là la condition humaine ? Sommes-nous réellement ainsi ? La question est lancée, et durement. Sévère méthode pour susciter l’éveil et la curiosité. Confronter ces états d’âme – aussi révélateurs soient-ils, par ailleurs, de notre vivre ensemble en tant qu’humanité – devrait, selon Abd El Nour, sonner l’alarme.
Malgré l’incompréhension que l’on peut ressentir devant ce spectacle d’angoisse, l’inlassable énergie des artistes sur scène empêche le désintérêt. Toute la force déployée dans ce grand espace vide qu’est l’Église Saint-Cœur-de-Marie charge notre imaginaire comme un fusil avale les balles. La théâtralité se fusionne à la danse, le chant au cri du cœur. Il ne fait pas de doute que la production ait le mérite d’avoir mis le doigt sur une certaine essence du théâtre, voire du spectacle.
La pièce constitue en outre un examen critique aigu de toute la culture occidentale, avec des transes, des transports et des tourments qui ne sont pas sans rappeler certains diagnostics freudiens. L’objectif de la troupe demeure néanmoins de dresser un portrait du réel qui puisse engendrer l’imagination d’un monde meilleur et le passage à l’action. Le public est expressément convié à venir prendre la mesure de cette fresque.
Quoi ? Imagination du Monde
Qui ? URD Théâtre
Où ? Église St-Cœur de Marie (530 Grande Allée est)
Quand ? Du 20 septembre au 1er octobre, 19h (jeudi au samedi)
Crédit photo : Arnaud Anciaux
