Commentaires sur le nouveau recueil de nouvelles Un dé en bois de chêne de Suzanne Jacob.

Décousu, intelligent

On ne présente plus Suzanne Jacob: du roman à la poésie en passant par l’essai, elle s’est imposée au fil des années comme l’une des figures marquantes de la littérature québécoise, une place qu’elle s’est bâtie avec des livres intelligents et exigeants tels que Laura Laur. En cette rentrée automnale 2010, elle revient avec un recueil de nouvelles dans la même veine: Un dé en bois de chêne.

Composé de 14 histoires, ce recueil met en scène différents personnages vivant des drames personnels, mais pour qui l’espoir n’est jamais loin. On ne peut parler ici de recueil homogène, mais une thématique, celle des relations entre les êtres humains, relie les divers textes, pour offrir une œuvre cohérente, malgré des faiblesses ici et là.

La majorité de ces nouvelles bénéficie de l’écriture très recherchée et déconstruite de Jacob. À ce titre, la première brève, qui donne son titre au recueil, est particulièrement réussie. Les phrases sont sinueuses, certains mots se répètent, mais cet assemblage singulier sert le propos du texte, tout en instaurant une tension qui force le lecteur à effectuer une lecture active et attentive. Le premier paragraphe de cette nouvelle symbolise bien le talent de Suzanne Jacob à déconstruire une phrase d’abord banale pour la rendre belle, poétique: «C’était la tombée du jour, un jour d’hiver, toute la neige était tombée, tombée et restait, restait au sol, les cristaux se serraient les uns sur les uns, les autres sur les autres, c’était la tombée du jour après la tombée de la neige, la neige creuse et bleue, le vent aussi et la nuit tombèrent à leur tour».

Ce style très hachuré, exigeant, se maintient tout au long du recueil, mais parfois, que ce soit dans «Alors, le bleu du ciel» ou dans «La leçon de feu», il obscurcit l’histoire, qui aurait gagné en clarté si elle avait été délivrée plus simplement. Ainsi, quelques nouvelles sont de véritables énigmes ténébreuses qui laissent un arrière-goût étrange.

Dans un autre ordre d’idées, Suzanne Jacob fait appel à différents genres littéraires, qui s’intègrent plus ou moins au recueil. Ainsi, «Puits sans fond» rappelle davantage l’essai que la nouvelle, alors qu’au contraire, «La chaise haute» représente une petite pièce de théâtre cruelle et percutante, d’une forme tout à fait originale.

Au final, Un dé en bois de chêne s’avère, globalement, un excellent recueil de nouvelles, très exigeant et réfléchi, qui confirme l’importance et la nécessité de Suzanne Jacob dans le paysage littéraire québécois. Elle insuffle à la littérature d’ici une qualité d’écriture et une réflexion profonde et si ce recueil n’est pas l’œuvre la plus élaborée de Jacob, il possède néanmoins une valeur littéraire trop rare de nos jours.

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