Des femmes : l’eau et la terre du monde

Dans la ville de Marathon, il y avait un théâtre. Wajdi Mouawad y mettait en scène Sophocle.

Louis-Augustin Roy

Les éléments, comme dans les titres de la tétralogie précédente de Mouawad, importent dans Les Trachiniennes, Antigone et Électre. L’eau et la terre, deux éléments « mères », « matriciels », lient les pièces.

Source d’apaisement, entre autres, la pièce Les Trachiniennes laisse pleuvoir sur elle et détrempe la scène, mais ne lave pas la tunique maculée d’Héraclès. De la trilogie déterminée par Mouawad, elle présente les enjeux dramatiques les plus simples (Sophocle l’a écrite bien avant les deux autres) et une mise en scène sans grande invention, surtout dans les déplacements. Déjà fameux par la polémique, le chœur, par un excellent rock qui rend toute justice à sa fonction, pallie la faible impression laissée par le texte et la mise en scène.

Dans Antigone, le choreute est parfois difficilement audible, diminuant d’autant sa portée, peut-être étouffée sous la terre qui doit souiller et recouvrir un bout de scène et Antigone, plutôt que Polynice, laissé sans sépulture par décret du roi Créon. Toujours pertinent de nos jours, le caractère politique de ce texte est souligné par un éclairage rouge vif (devant lequel flotte, coïncidence, la structure d’un grand carré, vu de face…), alors que la scène baigne normalement dans le bleu et le vert des tragédies.  La portion de texte traitant de politique est d’ailleurs fort bien rendue par Patrick Le Mauff jouant Créon, tyran des idées et des gens : « Il faut obéir à celui que la Ville a pris pour maître, dans les choses petites ou grandes, justes ou iniques. »

Rencontre finale entre les deux éléments, préfigurée par l’argile sur les mains de Déjanire dans Les Trachiniennes : de l’eau et de la terre, une boue épaisse recouvre le sol dans une mise en scène enfin digne du meilleur de Mouawad. Le savant délabrement du décor et des costumes trouve sa mesure dans l’infortune tragique de sa protagoniste, Électre, au verbe hachuré, cassé par une folie sur le point d’éclore.

Toujours en périphérie du caractère politique, les femmes sont prisonnières de leur condition. Par elles arrive le malheur ou la sagesse – comme par les hommes, au fond…

Quoi? Des femmes (dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec)

Qui? Texte : Sophocle, mise en scène : Wajdi Mouawad

Où? Pavillon de la Jeunesse (ExpoCité)

Quand? 10 juin, 13 h

Crédit photo : Courtoisie, Jean-Louis Fernandez

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