Du folk sur la rue St-Joseph

Jour 2 du Festival d’été de Québec, premier vendredi. Tandis que les Plaines d’Abraham se transformaient en immense piste de danse au son de LMFAO, il était possible d’entendre de la musique plus subtile et intelligente en Basse-Ville.

Midi, heure ingrate. C’est devant une foule familiale éparse, mais heureusement chaleureuse, que Tire le coyote, alias Benoît Pinette, est monté sur la scène de la place d’Youville pour un spectacle d’un peu plus d’une heure. Au programme, des chansons revisitées de son premier album Le fleuve en huile, quelques nouveaux titres prometteurs pour son deuxième disque enregistré sous peu, et deux reprises de Bob Dylan et Neil Young, influences évidentes. Pinette, à quelques exceptions près signées Shampouing et ses solos de guitare, a proposé un spectacle décontracté, plus folk que rock, idéal pour cette heure de la journée, où Sylvia Beaudry est venu poser sa douce voix sur quelques chansons. La qualité était comme toujours au rendez-vous pour le meilleur chanteur folk/country de Québec. À découvrir si ce n’est déjà fait.

C’est sur la minuscule scène du Cercle, vers 18h, que le sextuor franco-américain Moriarty inaugurait son premier spectacle à Québec. La formation, menée par la sensuelle Rosemary Standley, a connu un certain succès « mondial » grâce à la pièce Jimmy. Presque tous multi-instrumentistes, les membres de Moriarty ont livré leur folk-country avec beaucoup de retenue, parfois même sans micro. Le public, malgré une sonorisation déficiente et une vision parfois bouchée (c’est Le Cercle, après tout), n’a pas hésité à manifester sa joie entre chaque chanson. La formation repassera par notre ville cet automne, dans des conditions de spectacle sans doute plus adéquates.

Chaque année, le Festival d’été de Québec réussit à proposer des soirées réussies (et marginales) à l’Impérial, présentant trois artistes ayant certaines affinités à chaque jour. La deuxième de celles-ci, très courue et qui a rempli la salle de la rue St-Joseph à ras bord malgré sa formule majoritairement assise, présentait trois contre-exemples de bêtes de scène, mais bilingues, qui, pourtant, ont chacun habité l’espace à leur manière.

Le tout a commencé à 20h avec Sophie Hunger, la chanteuse suisse qui a sorti un premier album, 1983, sur lequel on retrouve une excellente reprise du Vent nous portera de Noir Désir. La jeune femme, dans un spectacle très calculé et mis en scène apprendra-t-on par la suite, rendait hommage à Bob Dylan en toute simplicité : guitare, micro, harmonica. Avec un mélange de douceur et de brutalité, Hunger n’a pas hésité à s’attaquer avec efficacité aux classiques que sont The times they are a-changin’ ou Don’t think twice, it’s all right… la voix nasillarde en moins ! Quelques titres plus faibles auraient cependant peut-être dus être retirés du setlist, notamment lors du début du spectacle, un peu déconcertant. Au rappel, nous avons compris pourquoi Hunger n’avait pas parlé un mot de français jusque-là (elle qui le maîtrise quand même bien), ni remercié le public : tout était prévu. N’empêche : souriante et gênée à la fois, Sophie Hunger, qui en était à un premier passage à Québec tout comme son successeur sur cette scène, est une artiste intense et passionnée qui vit ses chansons et réussit à communiquer cette passion. Il faudra surveiller son deuxième album, enregistré en partie à Montréal avec des musiciens locaux, et les spectacles qui en découleront…

C’est ensuite Piers Faccini qui est venu littéralement volé la vedette de la soirée, avec son folk qui se mélange parfois à du blues, parfois à des rythmes africains, parfois même à du rock. Décontracté et calme, l’auteur-compositeur-interprète anglais a interprété ses excellentes pièces avec une humilité et une force rares.  Accompagné par un batteur avec qui il entretient une véritable chimie, Faccini, aussi très bon guitariste, a une voix chaude et envoûtante et un univers bien à lui, qu’il n’hésite pas à partager avec le public en le faisant chanter. Et quand, après plus d’une heure de bonne musique et d’humour, il laisse aux spectateurs le choix du rappel (un classique napolitain ou une chanson de Lhasa, devinez l’évidence), c’était officiel : Piers Faccini fut immédiatement adopté par le public québécois. Une très belle découverte, et une première visite marquante et convaincante.

Le seul qui n’en était pas à sa première visite, puisqu’il est passé par le Grand Théâtre de Québec plus tôt cette année, c’est Adam Cohen, fils de, qui semble jouir ces mois-ci d’une certaine reconnaissance publique et critique grâce à son album Like a man, « quatrième disque, troisième solo, premier bon » selon ses propres termes. Entouré par deux musiciens complices, Adam Cohen semble malheureusement rester dans un folk pop loin d’être désagréable à écouter, mais qui ne réinvente pas la roue non plus – il manque peut-être une certaine recherche formelle. Est-ce dû à trop de minimalisme sur scène, à un manque de texture sur certaines chansons ? Toujours est-il qu’entre deux allusions discutables à l’alcool et au sexe, Cohen fils a tout de même raconté quelques anecdotes savoureuses, concernant surtout sa relation incontournable avec son illustre père (dont il reprenait, ce soir-là, So long, Marianne), le tout avec une décontraction plaisante mais parfois agaçante. Il reste qu’il peut écrire de petites perles comme Like a man, Out of bed ou Overrated, que Paul McCartney lui-même aurait voulu écrire. Le public, lui, était conquis d’avance, et n’a pas hésité à acclamer jusqu’à tard dans la nuit cet artiste avec ses qualités et ses défauts, qui a peut-être encore certaines preuves à faire. Mais il est sur la bonne voie.

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