Réflexion sur le plus récent roman d’Alain Beaulieu, écrivain et professeur adjoint à l’UL.

Faux-semblants

«Vous allez devoir faire confiance aux gens, recevoir et distribuer leur courrier sans poser de questions. Si vous respectez cette règle d’or (…) tout ira bien pour vous ici. Les villageois vous tiendront en grande estime et on vous accueillera partout d’abord avec politesse, puis avec amitié.»

C’est la mise en garde du docteur Noriega au nouveau postier, Passila. Jamais le métier de facteur n’aura semblé aussi dangereux que dans cette bourgade échouée sur le dos du volcan Tipec. Que ce soit le risque d’une éruption, l’atmosphère lugubre du village ou encore l’étrangeté de ses habitants, Le postier Passila est une fable moderne.

Bien qu’Alain Beaulieu, écrivain et professeur adjoint à l’Université Laval, jure de ne pas vouloir témoigner de quoi que ce soit avec son dernier livre, il ressort tout de même un thème récurrent: le mensonge. Passila était postier dans une grande ville d’Amérique latine. Parce qu’il craignait de devenir fou s’il veut survivre à la démence de ses confrères, il accepte un poste à Ludovia, un village fictif. Assez vite, Passila se trouve pris au piège. Le livreur Gonzalez qui, devant le manque d’hospitalité des villageois de Ludovia, devient son seul ami, lui parle d’un «rôle», d’une mise en scène organisée par ces derniers. Mais il n’en dit pas plus. Le mystère demeure entier. Qu’est-il arrivé à son prédécesseur? Pourquoi ce dernier s’est-il enfui? Ces questions traverseront l’esprit de Passila. En attendant, il fait ce qu’on attend de lui: distribuer le courrier. Ça, c’est sans compter qu’il deviendra amoureux de la belle Estrella, de son mystérieux regard noir, de ses jambes qui dansent toute la nuit dans sa tête et deviennent vite une obsession.

Certains liront dans ce livre un microcosme d’une société où les uns et les autres se préoccupent des apparences, du «soin» qu’on apporte aux mensonges composant notre existence. D’ailleurs, dès le début, Passila place le lecteur dans une position d’inconfort total. En effet, un postier qui lit le courrier de ses clients est quelque peu désarmant. Et pourtant, on veut connaître le secret de la logeuse Miranda, ce que peut bien attendre le boulanger ou encore le contenu du colis destiné au père d’Estrella, le vieux Pablo Hernandez.

C’est en France que le dixième roman d’Alain Beaulieu fut publié en premier. En entrevue avec Impact Campus, il confie que cela lui permet de rejoindre un public plus large. «C’est mon premier livre publié en France. Cela donne une bonne reconnaissance et un bon coup de pouce ici», affirme-t-il. Même si les personnages composant la trame du Postier Passila sont tous d’origine latino-américaine, l’auteur confirme que Passila est la représentation la plus proche des Québécois, par son côté ambivalent. Néanmoins, il ajoute avec franchise qu’il n’espérait pas défendre quoi que ce soit avec son livre : «J’ai l’impression de faire mon boulot si je réussis à raconter une bonne histoire.» Le postier Passila est donc une brillante intrigue. On aurait peut-être voulu plus d’originalité quant à l’ossature du récit, mais au bout du compte, on a effectivement l’impression d’avoir lu une bonne histoire.

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