Piano mal, l’album solo que nous offre Julien Sagot, percussionniste de Karkwa, ravira les mélomanes avides de sonorités riches, d’arrangements peaufinés et de textes qui se tiennent loin des clichés.

Histoires d’atmosphères…

 

Dès les premières secondes, l’atmosphère s’installe. La voix chaude et grave de Sagot nous tire dans un univers unique, inusité, peuplé de personnages étranges. Dans les textes fourmillant de métaphores, l’auditeur passe du quotidien d’un mineur saugrenu dans La taupe à un crime médiéval dans Le temps des vendanges, la pièce la plus rock de l’album. Dans l’entraînante Piano mal, on se réveille en compagnie d’un fakir, pour déambuler quelques pistes plus tard dans des Champs de coton. Loin des clichés des chansons d’amour bonbon, Sagot sa muse : « Les bouchons de liège/ Ferment les flocons qui parfument ce corps céleste/ Sous la peau de longs vaisseaux dérivent vers l’est » (Février).

Le son est plein, les arrangements, superbes. D’une piste à l’autre, on perçoit ce même souci de la recherche sonore. Guitares archet, sifflets et autres échantillonnages de bruits divers viennent ponctuer les pièces, une touche d’originalité bienvenue.

De plus, Sagot et son équipe jonglent habilement avec les loops (courts fragments musicaux répétés en boucle), notamment dans Qui, où ce loop, exécuté en sifflant, sert de base au morceau entier. Dans Février, il prend plutôt la forme d’un riff de guitare mystérieux. On peut déceler ici l’apport de l’excellent Leif Vollebekk, par ailleurs coarrangeur et musicien sur cet album.

La déclamation de ces textes, bien que souvent rectotono, ne nous laisse pas sur notre faim de mélodies accrocheuses pour autant. Ces dernières sont simples, bien ficelées, et supportées par une harmonie riche. Des accords plus dissonants parsemés ici et là confèrent une expressivité accrue aux chansons.  

Piano malest un album onirique et surréaliste. L’accent est mis sur les atmosphères, mais jamais au détriment du groove et du plaisir musical.  De la poésie sonore, à savourer sans se presser.

4/5

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