Photo : Pierre Yves Laroche

La dernière production des Treize annulée

La nouvelle est tombée vendredi : à moins d’une semaine de la première, les Treize ont dû annuler les représentations de leur seconde – et dernière – production de la saison, Le Bizarre incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon. Les droits d’auteur de la pièce n’étaient pas disponibles au Canada…

Cette retraite en catastrophe, annoncée à la dernière minute sur les réseaux sociaux, a certes de quoi surprendre : un tel revirement, rare sinon unique dans l’histoire de la troupe, est difficilement explicable. La production, en effet, avait été lancée à l’automne et approuvée par le conseil d’administration.

Rencontré mardi dernier, le metteur en scène et initiateur du projet, Simon Trudeau, débordait d’enthousiasme et parlait d’un « défi colossal » relevé avec succès. Confiant mais fébrile, fier de son équipe, il avait d’ailleurs expliqué l’ampleur du projet en reprenant à son compte l’expression populaire : « Pour moi, on l’a fait parce qu’on ne savait pas que c’était impossible ».

Il s’agissait d’entrer dans la tête du personnage principal. La production était ambitieuse. La mise en scène, exigeante et complexe. Le travail demandé des acteurs, impressionnant. Mais, s’il restait encore quelques détails techniques à régler, rien de tout cela n’explique l’annulation. Il faut chercher en amont, revenir à l’automne, au moment où la proposition de Simon Trudeau a été acceptée : lorsque le conseil d’administration des Treize a lancé le projet, il n’avait toujours reçu aucune réponse de l’agence qui gérait les droits d’auteurs de la pièce choisie.

Décision morale

Les Treize ont donc pris un risque. Joint au téléphone samedi, Éric Robitaille, président de la troupe, l’admet bien volontiers. « C’est le travail du conseil d’administration de faire la demande pour les droits », expose le vétéran de la troupe. Se fiant à leur expérience, les Treize ont donc parié sur une réponse tardive, mais positive. Ils ont perdu.

Après plusieurs relances et quelques problèmes de communication, la réponse finale de l’agence est finalement arrivée jeudi soir : la troupe de théâtre de l’Université Laval ne pourrait reprendre la pièce sans en violer les droits d’auteur. « Il y avait une clause d’exclusivité, signée à Broadway et en Europe. Il n’y avait aucun droits disponibles pour le Canada. C’est sûr qu’on aurait aimé avoir la réponse plus tôt », soupire Éric Robitaille.

Devant le travail accompli par l’équipe de Simon Trudeau, le conseil d’administration de la troupe a bien essayé de trouver une solution, allant même jusqu’à consulter le bureau des droits d’auteur de l’Université Laval. En vain : il n’existait aucun moyen de contourner l’interdiction en présentant la pièce comme une activité pédagogique, ou encore en en faisant un « laboratoire d’essai ».

Les considérations morales l’ont emporté. « On ne peut pas amorcer un travail de relève artistique par une violation du droit d’auteur. Légalement et éthiquement, c’est inacceptable », poursuit Éric Robitaille, justifiant ainsi la décision du conseil d’administration d’arrêter la production.

Fin de parcours

« Dans ces conditions, on a rencontré la troupe, et on leur a expliqué que le chemin parcouru allait s’arrêter là. Ce chemin importe parfois davantage que la destination : ce qu’ils ont fait, ce n’est pas perdu », souligne le président. Évidemment, la déception était palpable.

Et le conseil d’administration admet ses responsabilités. Et propose des solutions. « Dorénavant, on pense laisser un délai d’une ou deux semaines aux agences et suggérer qu’une absence de réponse entraîne automatiquement un refus. Ce sera au prochain CA de décider », poursuit celui qui, très impliqué chez les Treize depuis de nombreuses années, considère avec une certaine tristesse cette fin de mandat décevante.

Pour l’instant, la saison d’hiver des Treize est terminée, après une seule pièce : l’appel de projets pour l’automne sera lancé en avril.

Auteur / autrice

  • Nathan Murray

    Journaliste culturel dans son Charlevoix natal pendant la saison estivale, Nathan retrouve avec plaisir, au début de chaque année universitaire, les salles sombres de la capitale. Cinéphile assidu, amateur de musique, de littérature et de théâtre, il vogue de concert en spectacle, entre deux livres d’histoire.

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