La finissante au baccalauréat en arts visuels Julie Boutin présentait jusqu’à la semaine dernière Cycle organique

L’animal en nous

Issue d’un milieu rural et agricole, Julie Boutin a rapidement compris que les grosses bêtes mangent les plus petites. La consommation et la transformation de l’animal par l’Homme étaient d’ailleurs omniprésentes dans Cycle organique, mais le discours évoqué par les sculptures, installations, photographie et performance de l’artiste ne se voulait pas moralisateur ou sentencieux.

«Je n’aime pas que les animaux soient élevés de façon industrielle et ça me fait mal qu’on les abuse», dit Julie Boutin qui, à une certaine époque, pratiquait un art plus engagé. Certaines œuvres de ce temps (deux ou trois ans) étaient d’ailleurs exposées à la salle du pavillon Alphonse-Desjardins: une installation avec vidéo représentant l’appareil reproductif du porc, en forme de spirale, et l’intérieur du thorax, coulé dans la cire, d’un cochon abattu. Après cette période «choquante», Julie a décidé d’emprunter une nouvelle tangente. «Récemment, j’ai compris ma démarche. J’oubliais que je m’amusais. Je voulais trop dénoncer et être engagée, mais ce n’est plus moi. On fait de l’art quand on s’amuse et quand on le fait avec liberté, l’œuvre dégage quelque chose d’unique et de pur», estime-t-elle.

Le besoin d’amusement de Julie Boutin passe par l’exploration et la maîtrise de différentes techniques. Dans Cycle organique, on retrouvait un chat à l’aspect humain, conçu par couches moulées en plâtre. Une photographie modifiée de son buste, nu, lui donnant l’apparence d’une bête quelconque. Mais surtout, au centre de la salle d’exposition, une vache grandeur nature faite de bois, de polystyrène et de coquilles d’œufs brillamment disposées pour former la tête de l’animal. «J’introduis une tendance humaine dans les œuvres parce qu’à force de transformations, la génétique de l’animal est en train de changer», explique celle-ci.

Quelques morceaux de bois sculptés gisaient également sur le sol lors de Cycle organique. Ils sont issus d’une sculpture haute de quatre mètres, que vous avez peut-être aperçue aux abords de l’Agora du pavillon Desjardins, baptisée «Ligne mère». Cette sculpture n’est plus qu’un amas de pièces puisqu’elle a été endommagée par l’équipe de nettoyage suite à l’épisode d’incendie dans les tunnels de l’Université. «J’ai travaillé environ quatre mois sur cette sculpture. J’ai pleuré», confie Julie Boutin à propos de cette imposante œuvre composée d’une trentaine de pièces «qui s’emboîtaient, chaque morceau étant la matrice des parties en dessous et au-dessus». Cette dernière s’était inspirée de la Colonne sans fin de Constantin Brancusi.

À l’avenir, il sera possible de voir «le chat, la vache et la photo» à l’exposition des finissants de l’École des arts visuels. L’étudiante, qui a effectué une session à l’École supérieure des beaux-arts de Marseille, aimerait poursuivre ses études aux Etats-Unis. Elle rêve aussi de faire de la télé et d’écrire un manifeste sur la recherche de l’instinct animal chez l’Homme. Parmi tous ses projets, Julie Boutin garde toutefois un but précis en tête: ramener l’agriculture dans la ville.

Crédit photo : Claudy Rivard

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