Le film catastrophe de l’année

Puisque Melancholia est à l’affiche du Clap depuis un moment et que tous les journaux nous ont déjà servi leur résumé (leur critique, pardon), abordons le film sous l’angle de ses résonnances aux œuvres de Lars von Trier et à celles d’autres cinéastes.

Dans la grande majorité des films qu’il a réalisés depuis Dancer in the Dark, Lars von Trier a l’habitude de mélanger deux genres cinématographiques dans un même film. Pour Melancholia, nous avons droit au mashup d’un film catastrophe et d’un drame familial. Évidemment, il se fout du suspense inhérent au premier genre. À la 7e minute et 5ième plan de son « histoire », il nous montre la Terre qui se détruit dans sa collision avec la planète Melancholia.

L’introduction hyper-ralentie, dramatique et hyper-esthétisée, reprend une façon de faire utilisée dans son film précédent, Antichrist. De fait, la relation Antichrist/ Melancholia fait penser au rapport Solaris/Stalker de Tarkovski. Produits l’un après l’autre, Stalker reprenait, plus mûri, quelques fruits de l’arbre Solaris. Outre la technique dans l’introduction, une scène d’Antichrist, (ce petit pont en forêt que She appréhende et traverse en vitesse) est développée en motif dans Melancholia, où le cheval Abraham refuse de traverser le même type de pont. De plus, une déclinaison de l’instinct à la rationalité (au spectre Justine-Claire-John dans Melancholia) des personnages est apparente dans les deux films, ce qui n’est pas sans rappeler la dichotomie Nature et Grâce de The Tree of Life. Et à l’instar de la conclusion d’Europa où le personnage principal, en voulant ménager sa morale et sa raison contradictoires, finit par perdre sur tous les plans, l’ambivalence de Claire est la pire des attitudes : sa sœur Justine (l’instinct) accepte la mort qu’elle avait sentie venir; le mari de Claire, rationnel scientifique, calculant que la fin est inéluctable, préfère se suicider; son fils Léo, l’innocence de son âge à son secours, ne stresse pas puisqu’ils ont construit une cabane magique pour se protéger – ce pourrait être la posture du croyant; tandis que Claire, qui subodorait la fin, mais se rangeait aux arguments rassurants de son mari, paniquera jusqu’à la dernière seconde. Ce n’est, évidemment, qu’un seul des degrés des personnages.

Son prochain long métrage, portant le titre provisoire de Nymphomaniacs, devrait être un mélange de pornographie et de philosophie, selon l’entrevue qu’il a donnée au Monde. On souhaite y trouver des motifs de spirale…

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