Le monde comme il s’érode

Sambo craint que la terre se fasse complètement avaler par la mer, l’Afrique est grugée par grandes houles. Louise connaît un ami, Oscar, qui a vu La Nouvelle-Orléans violée par Katrina. Et on continue. Et l’Apocalypse menace. Mais au final, il ne s’agit que de l’histoire de Sambo et de Louise, deux égarés dans une gare de Hull, en attente d’un bus éternellement en retard.

Ce qui étonne dans Rose déluge d’Edem Awumey, c’est cette hyperbole constante, des histoires transcontinentales, transgénérationnelles, des sortes d’épopées qui n’aboutissent, au final, que sur un banc de gare, entre deux jeunes personnes qui tombent en amour.

            Le thème des destins croisés ne sait trop se débarrasser, ici, des clichés d’usage, avec répliques frivoles à l’appui et bons sentiments à rabais ; néanmoins, contrairement à quelques romans de cette rentrée littéraire, on ne peut que souligner la richesse de l’Afrique que décrit Awumey, un peu décrottée des stéréotypes, vivante à l’instar de cette écriture qui gambade par sauts, un peu trop parfois, sur les points de suspension.

            Volontiers lyrique, le roman, porté par une double narration, développe son histoire sans craindre de brusquer le lecteur : il utilise cette technique bien huilée aujourd’hui du « flux de conscience », plongeant sans cesse dans le souvenir des personnages. Un détail en fait résonner un autre, et plutôt que de nous raconter un petit récit pépère, les pensées de Sambo et de Louise Hébert éclatent, s’appellent, de telle sorte que les faits surviennent sans que l’on puisse les inscrire dans une chronologie – en ce sens, on semble un peu avoir mis en bride le cogito, et si les formules sonnent parfois creuses, et si on sent le bonheur-à-tout-prix que sous-tend le roman, on adhère, porté docilement par le flux des paroles. Puis on veut bien, nous aussi, aller enterrer la Tante Rose.    

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