Le duo Cooke-Sasseville présente «Le penseur en chocolat» à la galerie Le Lieu.

Le secret du chocolat double fondant

Le penseur en chocolat est une installation sculpturale monumentale qui réussit à combler le gouffre entre art actuel et art populaire, tout en flûtant une mélodie qui pourrait attirer le regard de l’une de nos plus grandes institutions muséales. Depuis le 14 janvier, rats de ville comme rats des champs se ruent vers Le Lieu, afin de découvrir l’énigme que nous pose le duo Jean-François Cooke et Pierre Sasseville.

De l’extérieur du centre de diffusion en art actuel, rien n’est visible. Les fenêtres du Lieu ont été stratégiquement placardées couleur brun chocolat afin que les passants soient tentés d’entrer dans cette fabrique de délices. De même, sur l’affiche extérieure, le fromage a été remplacé par une boîte de chocolats à laquelle Forrest Gump n’aurait pu résister, si ce n’était des rongeurs qui l’avaient déjà infestée.

En franchissant le seuil, le visiteur est plongé dans un tableau sortant pratiquement d’une scène de Charlie et la Chocolaterie de l’auteur Roald Dahl. La couleur de la vitrine extérieure imbibe l’endroit de bord en bord et l’éclairage tamisé réussit à transformer le cube blanc neutre de la galerie habituelle en tablette de friandises. Au centre de la salle, sur un socle modeste, se trouvent deux éléments diamétralement opposés: la sculpture éléphantesque d’un homme songeur et la maquette d’un édifice affichant le style néo-classique tant utilisé par les musées d’une certaine époque. Notre héros penseur est infesté par des rongeurs noirs qui se délectent de sa chair en styromousse peinte couleur or. L’installation cherche ainsi à nous présenter l’un des principaux débats de la muséologie récente: art de recherche ou art rentable?

L’esthétique espiègle de Cooke-Sasseville s’acharne maintenant plus ouvertement à une question qui préoccupe l’entièreté de la relève artistique: comment gagner sa vie simplement d’une production artistique? Pour ce faire, ils abordent l’exposition qui a su battre tous les records de visiteurs au Musée national des beaux-arts du Québec, soit l’exposition Rodin à Québec, qui en 1998, attirait plus de 525 000 visiteurs. Le pouvoir d’attraction de Rodin a même inspiré une deuxième interprétation de ses œuvres à l’été 2005, avec l’exposition Camille Claudel et Rodin: La rencontre de deux destins. L’édifice qui tombe sous le regard du Penseur en chocolat n’est donc pas si anonyme que l’on pense. Mais qui sont alors les rongeurs dans notre fable chocolatée?

Évidemment, plusieurs interprétations sont ici possibles. Chose certaine, l’individu qui prend le temps de se déplacer pourra ainsi tirer ses propres conclusions devant cette pièce de résistance, qui suscite une réflexion engagée sans avoir recours à une anecdote uniquement anodine.

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