Le jour, Josée est enseignante de littérature. La nuit, elle essaie de dormir. Après un assoupissement entraîné par la lecture d’un livre d’Umberto Eco, qu’elle ne terminera d’ailleurs jamais, le moindre bruit ou mouvement la réveille. Ses pensées s’emballent telle une vis sans fin qui tourne constamment dans sa tête, remue ses souvenirs. Alors Josée «[ s’ ]abandonne au typhon de [ son ] cerveau qui dérape». Épuisée et irritable, car la tempête la poursuit pendant la journée, une colère monumentale (mais satisfaisante !) au cégep où elle travaille l’oblige à prendre quelques jours de repos dans son condo de Limoilou.
La petite communauté créée par l’auteure dans le quartier, et plus précisément dans l’immeuble, est tout à fait charmante et invitante. Y habitent Marguerite au piano enchanteur, Marco, le travailleur effréné, Joseph – qui rappelle un peu le Momo de Romain Gary – enfant passeur de journaux, toujours assis dans l’escalier et prêt à rendre service, ainsi que Chose, le chat à trois pattes. Sans parler du père de Josée, pourtant décédé.
Ici, pas de fantôme ou d’esprit frappeur, seulement une relation père-fille particulièrement attachante qui, malgré son caractère irréaliste, n’en demeure pas moins vraisemblable : on veut croire à ces dialogues savoureux qui commémorent les parties de baseball des Expos, les hot-dogs et les nuits passées à lire D’ailleurs, tous les dialogues sont généralement habilement tournés, si ce n’est de cette manie de faire dire «ma belle» à tout le monde – père, collègue, mère du voisin – quand ils s’adressent à Josée. Un détail.
Marie-Renée Lavoie nous propose, avec Le syndrome de la vis, une écriture du quotidien, rythmée par les insomnies, les discussions avec son père et Joseph, les copies d’étudiants et les soupers chez son frère ; un quotidien bien campé au début, mais qui s’embrouille au fil des pages. Si, au début du roman, l’insomnie et la vis constituent un fil conducteur efficace, il arrive un moment où l’image de la vis ne semble que plaquée. La fin est bousculée dans une sorte de «happy end» à laquelle il est difficile de croire tellement tout arrive précipitamment. Malgré tout, on aime le roman pour les petits moments de bonheur, d’angoisse et de folie qu’il présente avec humour et finesse.
Anne-Catherine Gagné