Qui a peur des fantômes, des couguars, des « débiles légers » ou des grands-mères ? Ils hantent tout un chacun les « histoires » racontées dan

Les dédales d’Arvida

Qui a peur des fantômes, des couguars, des « débiles légers » ou des grands-mères ? Ils hantent tout un chacun les « histoires » racontées dans le livre Arvida, première œuvre de fiction de l’auteur Samuel Archibald. Le fil conducteur, on l’aura deviné, c’est cette ville du Saguenay qui réunit des personnages abracadabrants, dont l’imaginaire donne lieu à des récits au seuil du fantastique, des récits qui, « sont pas beaucoup qui me croient », entremêlent une part de vérité, de mensonge et d’invention à l’origine d’un pacte d’incertitude avec le lecteur.

Que recèle donc ce livre que l’on accueille comme un recueil d’histoires ? Une intrigue ? Loin de là, car si les récits tendent parfois à se rejoindre, revisitant des univers ou certains thèmes insistants, ce n’est jamais dans l’optique d’un déroulement menant vers une fin ou d’une évolution d’ensemble. De façon autonome, les histoires se déploient en contes, portraits, anecdotes. Loin de semer une intrigue visant à attiser la curiosité du lecteur, elles se contentent de poser un regard subjectif sur des morceaux de vie d’habitants de la singulière ville d’Arvida.  

Des personnages profonds ? Pas vraiment, puisque l’on perd rapidement de vue les individus introduits, ensevelis sous ce lot de nouveaux noms que chaque récit propose. Lorsqu’un nom refait surface, le lecteur adopte la posture du bon villageois à qui l’on raconte des potins sur ses voisins : oui, ce petit nom-là me dit quelque chose.

C’est tout un univers, finalement, que cherche à nous offrir Archibald; un univers de racontars que l’on veut croire ou non, un univers de « souvenirs [d’où] sont venus les souvenirs de dizaines d’histoires que je pourrais raconter, d’une façon ou d’une autre, ou n’importe comment s’il le fallait », bref, une étrangeté unique. Cet aspect est proprement réussi.  

Cependant, cette étrangeté, avouons-le, perd un peu de son charme à la toute fin du livre : l’ultime histoire s’arroge le rôle rassembleur qu’on espérait retrouver il est vrai – car l’indétermination exige toujours un substitut de réponse – mais qu’on aurait souhaité moins explicatif, moins définitif. De fait, si les multiples récits sont l’objet de voix distinctes – certaines vulgaires, d’autres soutenues, mais à tout coup, l’écriture porte en son sein de vivifiantes perles stylistiques –, ils se soumettent à une seule main, maître de l’écriture, et ce projet-là, la fin le révèle généreusement sans laisser de voile : « je détruis le mystère en lui fournissant un dénouement plat ». Avec une telle phrase, le livre a au moins la vertu d’être conscient du cul-de-sac déceptif vers lequel il nous mène.

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