L’essayiste qui s’essaie

L’essayiste qui s’essaie. Ben oui, on parle encore de David Desjardins et de son fameux recueil de chroniques, Le cœur est une valeur mobilière. Promis, pas question de vous dire à quel point il est bon, pis populaire, pis pas frais chié du tout. Non, cette fois, on le critique pour vrai, on va englober tout son être de perpétuel indigné, colérique, critiqueur, maganeur d’actualité dans un p’tit pot pis lui brasser la cage jusqu’à ce que les Éditions Somme Toute appellent pour nous demander de retirer la critique !

Intéressé? Tant pis pour vous.

Parce que pour ça, faudrait avoir détesté la lecture de son bouquin et ça n’est tout simplement pas arrivé. Pour ceux qui croyaient enfin trouver de bonnes raisons de détester Desjardins, ben… on vous salue ! Pour les autres, sachez que vous ne serez pas déçus de payer une vingtaine de dollars pour relire ce que vous avez déjà lu de lui et/ou découvrir le reste.

Bon, c’est sûr, un copier-coller de chroniques journalistiques, ça peut sembler un peu moins tentant que le dernier prix des libraires du Québec : La fiancée américaine d’Éric Dupont, ou tout autre roman tant recommandé qui traîne sur votre table de chevet depuis des mois. Pourtant, vous seriez surpris de la qualité littéraire et culturelle de l’ouvrage de Desjardins.

Remarquez le mot « ouvrage » et non pas « compilation d’ouvrages », parce qu’il apparaît dans ce recueil un surprenant travail de cohésion, une ligne directrice qui se fiche de la chronologie, tout en proposant autre chose que de simples chroniques enchaînées les unes derrière les autres. En fait, dans la lecture continue se découvre une autre forme que le soliloque aux contorsions idéologiques qu’on connaît bien du style de Desjardins. En retirant la pause hebdomadaire régulière d’une chronique à une autre, une discussion s’établit entre les trois chapitres du recueil, un discours aux tendances philanthropiques, oui, mais éducatives surtout.

Vous verrez bien ce qui s’y cache pour vous, mais il semble que ce recueil révèle un brin comment écrire une chronique, un essai ou comment écrire tout court, tiens. Il donne aussi le goût de voir les huit dernières années de notre p’tit monde différemment, de conserver ces nouvelles images avec nous pour la suite. Pour ne plus voir juste la Droite ou la Gauche, Labeaume ou Coderre, Radio X ou Radio Première, mais pour voir le gris qu’on ne prend plus le temps de dépeindre entre les deux, afin d’en faire ressortir les p’tites couleurs qui font que notre vie ne se résume pas qu’à la maison, les études, le boulot et le trafic entre les trois.

On croirait avoir à défroisser une centaine de boulettes de papier journal ressorties de la poubelle du passé et on se retrouve, 282 pages plus tard, en train de se demander ce qu’on voudrait être comme ami, comme futur père, mère, époux, comme Québécois… Bref, on se retrouve diverti, instruit, plus grand et surtout moins seul. Le genre de sentiment, cher David, qui émane sans prévenir de ce qu’on appelle la Littérature, la bonne littérature.

 

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