Impact Campus a rencontré l’écrivain Gilles Archambault pour parler de son œuvre récente: «Un promeneur en novembre».

L’homme des petits silences

J’entre dans le café, le livre à la main. Gilles Archambault, auteur d’une trentaine d’écrits publiés depuis 1963, homme de radio et amateur de jazz, doit m’y rencontrer. Pour parler de l’écriture, de l’écrivain et d’Un promeneur en novembre, son tout dernier recueil de nouvelles.

Regard pensif, voix posée, verbe réfléchi; il pourrait presque passer pour un des personnages de son recueil, ces hommes et ces femmes tristes mais sans complaisance, qui regardent leur vie en face sans toutefois renier le passé. Lorsque je le questionne sur le pessimisme qui semble planer sur son œuvre, Gilles Archambault répond:  

– Le rôle de l’écrivain n’est pas celui de rédacteur d’un courrier du coeur: l’écrivain est là pour traduire le mieux possible sa vision du monde. Ma vision du monde n’est pas pessimiste, du moins je ne le crois pas. Simplement, je fais de mon mieux pour tirer mon épingle du jeu. À mon âge, je n’ai plus d’effroi face à l’aspect matériel de la vie; le seul effroi qu’il me reste, c’est celui de la fin. Et c’est ce que je tente de traduire dans mes textes. Mes personnages acceptent la fatalité de la vie parce qu’ils n’ont pas le choix. On ne peut pas ne pas penser à la fin, puisqu’elle existe.

– Pas d’illusions, donc, chez ces personnages. Mais s’ils sont conscients de la fin, qu’est-ce qui les habite, qu’est-ce qui les fait vivre?

– Il est vrai que le sentiment tragique de la vie et l’anticipation de la mort se retrouvent dans Un promeneur en novembre. Mais je n’aime pas les êtres qui se laissent aller. Devant un personnage, je suis souvent porté à me demander: «Comment se débrouille-t-il avec la vie?» Je suis incapable d’écrire une histoire sur un salaud qui ne recherche que le mal. Ce qui m’intéresse, c’est le besoin de chaleur dans la vie de mes personnages et la façon dont ils le comblent.

– Et cette chaleur, on peut la retrouver dans l’écriture, dans la création?

– Vous savez, j’écris encore à la machine à écrire. J’aime le bruit des touches qui s’enfoncent: ça m’encourage. Mais lorsque c’est fini, idéalement, je souhaiterais pouvoir quitter le pays pour quelques semaines. Les critiques positives, je les lis en diagonale. Alors que les critiques négatives, je les apprends par coeur. Écrire, c’est un peu la porte ouverte vers la déception.

Il réfléchit, reprend:

– Et puis écrire, au fond, c’est du vent. Je m’explique: que j’écrive ou non, le Québec continuera à exister. Les écrivains se donnent du mal pour écrire, et ils ne sont pas à prendre en pitié, puisqu’ils l’ont choisi. Mais la question de la pérennité est toujours incertaine. Combien d’écrivains sont morts en pensant léguer une œuvre importante, alors qu’on ne les lit plus du tout aujourd’hui? Je ne saurai jamais si je suis un écrivain valable.

– Mais vous êtes, malgré tout, un écrivain engagé dans sa démarche créatrice. Comment la définiriez-vous?

– J’essaie d’écrire au plus juste de moi-même. Je n’aime pas les romans boursouflés, emphatiques. Je ne dis pas que des romans comme Guerre et Paix n’ont pas lieu d’être, ce serait idiot, mais personnellement, je préfère laisser parler une voix, avec les moments de silence que cela implique.

Il se lève. Remerciements d’usage. Et je me dis qu’en effet, Gilles Archambault est l’homme des petits silences.

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