« Ouverture grandiose », ou quand l’accessibilité nuit à l’excellence

Or, malgré une programmation très alléchante qui comportait Les Hébrides de Félix Mendelssohn, le Concerto pour piano n° 4 en sol mineur de Sergei Rachmaninov et la très belle Symphonie n°9 en mi mineur « Du nouveau monde » d’Anton Dvoràk, ainsi qu’un nouveau chef, Rossen Milanov, au cursus fascinant, ce spectacle d’ouverture n’a pas relevé le défi de taille qu’il s’était donné, soit d’être innovant, accessible et excellent. 

La première œuvre a été jouée avec finesse et sensibilité, l’orchestre faisant preuve d’une sobriété qui n’était pas sans mettre en valeur la grandeur de l’émotion romantique omniprésente dans cette ouverture. Les cordes, lorsqu’elles s’unissaient et jouaient avec cette ferveur que le public de l’OSQ lui connaît bien, prenaient au cœur et faisaient revivre cette grandeur allemande que l’on attribue – avec raison – au compositeur. Cette œuvre, donc, sans être particulièrement innovante dans le traitement, satisfaisait les exigences du nouveau slogan pour ce qui était de l’excellence et de l’accessibilité. Mais cela n’a pas duré, car le concerto de Rachmaninov, œuvre majestueuse qui s’inscrit dans la modernité du XXe siècle, ne fut pas à la hauteur des attentes suscitées. L’interprétation d’Alain Lefèvre, dont la présence a tout de même drainée une bonne partie du public à ce premier concert, les chauds applaudissements dès son entrée sur scène l’attestant, est apparue comme une entreprise tape-à-l’œil de démontrer une virtuosité déjà connue. Le jeu du pianiste québécois, fluide et pressé, semblait perdre beaucoup en sonorité et en mélodie au profit d’une exécution pénible, quasi-physique. Beaucoup de bruit pour rien, semble-t-il, puisque l’orchestre étouffait en partie le piano et sa savante exécution. Or, peut-être y retrouvions-nous la logique combative des concertos romantiques où un soliste, quasi-nietzschéen, s’oppose à l’imposant tutti et lui arrache durement une victoire… Le public a cependant tout de même été charmé, voire ravi, selon les ovations enflammées et les commentaires positifs glanés distraitement lors de l’entracte.

La conclusion du concert, la très populaire Symphonie du Nouveau monde, n’a pas joui d’une interprétation à la hauteur de sa réputation. En effet, en accentuant le lyrisme doux et pittoresque de l’œuvre, Milanov a escamoté sa force, sa puissance, sa sauvagerie. Après un premier mouvement somme toute assez bien joué, le célébrissime Adagio, exécuté avec plus de lenteur qu’à l’habitude, et le Scherzo ont malheureusement affecté l’impression globale de l’œuvre, impression douce-amère d’ailleurs exacerbée par le quatrième mouvement, drôlement cacophonique à plusieurs moments. À ce choix de tempo plus ou moins efficace se doublèrent les cuivres qui laissèrent passer plusieurs fausses notes plutôt grinçantes dans cette symphonie qui évoque les grands espaces et le pittoresque américains…

Cette « Ouverture grandiose » fut donc plutôt décevante, et l’on espère pour le reste de la saison, en plus d’une révision des codes de base pour ceux qui applaudissent entre les mouvements, des exécutions à la hauteur de la programmation !

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